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Réduire la consommation de carburant des fusées grâce à une tuyère adaptative

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Réduire la consommation de carburant des fusées grâce à une tuyère adaptative

Posté le par Nicolas LOUIS dans Énergie

Des scientifiques français ont développé une tuyère, servant à propulser les fusées vers le haut, capable de s'adapter à la modification de la pression atmosphérique lors de l'ascension vers l'espace. Ils espèrent tester leur nouveau système, qui permet d'améliorer les performances des tuyères, sur des lanceurs de micro ou nanosatellites d'ici 3 ans.

Toutes les fusées sont équipées d’une tuyère dont la fonction est d’accélérer et d’éjecter les gaz brûlés dans la chambre de combustion du moteur. La force ainsi générée permet de propulser la fusée vers le haut à très grande vitesse. Jusqu’ici, les tuyères utilisées n’ont pas la capacité de s’adapter à la modification de la pression atmosphérique lors de l’ascension vers l’espace. Cette difficulté a pour effet de dégrader leurs performances et impacte négativement la consommation de carburant. Un projet baptisé Aladdin a pour objectif de développer une tuyère adaptative pour surmonter cet obstacle.

« Une tuyère conventionnelle ressemble à une cloche, mais sa géométrie actuelle ne lui permet pas de s’adapter à la diminution de la pression atmosphérique lors de la montée en altitude, ce qui limite grandement ses performances, explique Brian Legros, doctorant au laboratoire ICARE1 et PRISME2. La perte de performance de cette tuyère peut atteindre jusqu’à 15 %. Nous développons un système en forme de double cloche qui s’adapte aux deux modes de fonctionnement. À basse altitude, l’éjection des gaz épouse la forme de la première cloche, et à haute altitude, la détente des gaz va faire en sorte qu’ils vont épouser la forme de la seconde cloche, plus large que la première. »

Le principe de cette nouvelle tuyère n’est pas nouveau, puisque des chercheurs japonais, russes, allemands et même français ont déjà tenté de développer un tel système. Sauf qu’ils ne sont jamais parvenus à faire en sorte que la transition entre la basse et la haute altitude se déroule au bon moment, celle-ci se produisant trop précocement. Les scientifiques de ce projet ont réussi à lever cette difficulté en injectant du gaz à un endroit bien précis, situé au point d’inflexion, qui correspond à la jonction entre la première et seconde cloche. Pour l’instant, cette injection est réalisée avec du gaz froid, notamment de l’air ou de l’hélium, mais leur objectif à terme est de déterminer les paramètres pour une injection la plus optimisée possible.

Un brevet protège cette technologie en Europe, aux États-Unis et au Japon

« Grâce à cette solution, nous parvenons non seulement à optimiser les performances de la tuyère en retardant la transition entre la basse et la haute altitude, mais nous réussissons également à agir sur les charges latérales, qui représentent le second problème des tuyères en double cloche, complète Étienne Michaux, doctorant au laboratoire ICARE. Ces charges latérales ont pour effet de pousser la tuyère sur le côté, et peuvent même aller jusqu’à la casser. Grâce à l’injection des gaz, nous parvenons à réduire ce phénomène qui intervient lors du changement de mode entre la basse et la haute altitude. »

Cette nouvelle tuyère est actuellement au stade de la preuve de concept, mais a d’ores et déjà fait l’objet d’un brevet3 valable en Europe, aux États-Unis et au Japon. Tous les essais ont été réalisés sur des modèles réduits en laboratoire et doivent se poursuivre pour optimiser les performances de ce système, notamment en testant différentes méthodes de contrôle. L’étape suivante de la maturation de cette technologie doit consister à réaliser des tests sur des modèles de plus grande taille. « D’ici environ 3 ans, nous souhaitons réaliser des essais sur des lanceurs de micro ou nanosatellites, comme ceux des start-up Opus Aerospace et Latitude, qui pèsent quelques centaines de kilogrammes », ajoute Étienne Michaux.

À terme, l’objectif de ce projet est d’industrialiser cette tuyère et d’équiper des fusées de type Ariane 5. Théoriquement, ce nouvel équipement devrait permettre un gain de consommation en carburant compris entre 490 kg à 1 500 kg à chaque lancement. « L’écart très important entre ces deux estimations est lié aux différentes méthodes de calcul sur lesquelles nous nous basons et disponibles dans des publications scientifiques, déclare Brian Legros. Il faut savoir qu’Ariane 5 consomme 650 tonnes de carburant, sous la forme d’ergol, à chaque lancement. Grâce à notre nouveau système, nous pourrions potentiellement faire économiser quelques millions voire quelques dizaines de millions d’euros à chaque tir, tout en réduisant l’impact environnemental de ces lancements. »


1 ICARE : Institut de Combustion, Aérothermique, Réactivité et Environnement (CNRS)

2 PRISME : Laboratoire Pluridisciplinaire de Recherche Ingénierie des Systèmes, Mécanique, Energétique (Université d’Orléans)

3 Les détenteurs du brevet sont : le CNRS Laboratoire ICARE, l’Université d’Orléans, l’Université d’Evry, ainsi que Luc Léger, Mohamed Sellam, Amer Chpoun et Vladeta Zmijanovic

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Posté le par Nicolas LOUIS


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