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Décryptage

Super-Réseau HVDC: vers «une Europe de l’énergie»?

Posté le par La rédaction dans Environnement

La mise en place d'un super-réseau électrique pan-européen rendrait possible de passer à un mix électrique à très haute teneur en énergies renouvelables variables (éolien et solaire) et de réduire de 90% les besoins de stockage. Il s'agit de la solution de flexibilité la plus économique et elle constitue un levier puissant dans la perspective d'une Europe de l'énergie.

« Les “Amis du super-réseau” (Friends of the Supergrid, FOSG) ont tenu le 21 mars 2012 leur premier colloque. « Il n’y a pas de barrières techniques pour installer un super-réseau électrique européen », a déclaré sans ambages à cette occasion l’Irlandais Eddie O’Connor, président de ce lobby réunissant des acteurs spécialistes des réseaux, parmi lesquels le Français RTE, l’Helvético-Suédois ABB et l’Allemand Siemens. »

Alimenter Berlin avec de l’électricité solaire d’Afrique du Nord (3.000 km), Londres avec de la géothermie islandaise (1 800 km), Paris avec de l’hydroélectricité norvégienne (1 100 km) ou Marseille avec de l’électricité éolienne produite en mer du Nord (1.000 km) entre en effet dans le domaine du possible avec le courant continu haute tension (ou HVDC pour High Voltage Direct Current).

« Les sites de production d’énergies renouvelables sont souvent loin des sites de consommation. L’éolien se trouve sur les côtes, voire au large (mer du Nord, mer d’Irlande, Baltique), le photovoltaïque en Europe centrale et du Sud », constatent les auteurs du rapport European Renewable Energy Network du Parlement européen paru en février 2012. « Il faudra donc améliorer et interconnecter les réseaux de transport d’énergie si l’Europe veut atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés. » Ils estiment que « l’une des priorités serait de mieux connecter les zones de production en Scandinavie avec l’Europe centrale. Une autre serait d’améliorer le commerce d’énergie entre l’Espagne, le Portugal et la France ».

La solution de flexibilité la plus économique

Un grand réseau électrique (supergrid) reliant les différents pays de l’Europe permettrait d’amortir considérablement la nature fluctuante des ressources éoliennes et solaires, tout en faisant fructifier leur remarquable complémentarité à l’échelle saisonnière.

Éolien et solaire sont deux ressources dont le potentiel technique peut répondre plusieurs fois à la demande électrique totale de l’Europe.

« Plus large est le réseau, plus l’effet de lissage est important », insiste Gregor Czisch, spécialiste des supergrids au sein du cabinet Transnational Renewables Consulting basé à Cassel, en Allemagne. L’expert estime qu’il convient d’étendre le super-réseau aux voisins de l’Union européenne, de la Russie à l’Afrique du Nord.

Point essentiel, un tel réseau permettrait la mutualisation et donc la réduction des capacités de modulation (lac de barrage, Step, stockage thermique, hydrogène, batteries) requises pour adapter l’offre à la demande dans le cadre d’un mix électrique à très haute teneur en éolien et solaire.

Plus vaste est le super-réseau, moins les besoins en stockage, coûteux, sont nécessaires.

La mise en place d’un supergrid en Europe n’impacterait que marginalement le coût du kilowattheure, l’élevant de moins d’un centime d’euro. En l’état actuel des technologies, il n’existe pas d’outil de flexibilité meilleur marché. Le seul obstacle sérieux, en Europe, reste l’acceptation sociale de la construction de lignes à haute tension.

Les grandes ONG écologistes y sont favorables

Les grandes ONG écologistes, comme Greenpeace International, militent en faveur de la création d’autoroutes de l’électricité verte en Europe. La Renewables Grid Initiative, dirigée par Antonella Battaglini du Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), et soutenue notamment par le WWF, la Royal Society for the Protection of Birds (RSPB, Grande-Bretagne) et Natuur & Milieu (Pays-Bas), a comme objectif de sensibiliser les politiques et le grand public à l’intérêt majeur que représentent les supergrids, et ainsi de tenter de limiter les réflexes « nimby » qui freinent les projets d’interconnexion électrique en raison des impacts paysagers locaux.

« Une électricité à 100% renouvelable est davantage réaliste », a insisté Christian Hey, secrétaire général du SRU, à l’occasion d’un débat organisé par EuropaNova, le 29 juin 2011. « Le gouvernement allemand a déjà opté pour un objectif de 80% d’ici à 2050. » Un message qui est parfois bien mal compris en France. De leur côté, les Danois se sont déjà fixé un objectif de 100% d’énergies renouvelables à l’horizon 2050.

Une superGrid pan-européenne permettrait de réduire de 90% les besoins de stockage

Dans une étude (Speckmann, 2011) menée dans le cadre d’un projet industriel (Cette étude, menée sous la direction de Markus Speckmann, n’est pas à la disposition du grand public. Les auteurs du rapport European Renewable Energy Network réalisé pour le Parlement européen en font écho et estiment qu’il s’agit de l’étude « la plus complète » sur le sujet réalisée à ce jour.), les scientifiques du Fraunhofer-IWES ont montré que la mise en place d’une supergrid en Europe permettrait, dans sa configuration optimale, de réduire de 90% les besoins en stockage, ce qui est considérable.

Il s’agit d’une donnée essentielle dans le débat énergétique actuel. « Un stockage court mais efficace [de type Step, dont l’efficacité est de plus de 80% sur un cycle complet de pompage-turbinage, ndlr] réduit de façon importante les besoins en appoint », soulignent les chercheurs dans une communication scientifique additionnelle. Si l’on intègre la mise en place d’une gestion intelligente de la demande, les besoins résiduels en stockage ne sont, selon les experts, que de 20 TWh, soit l’équivalent de seulement 50 heures de consommation électrique européenne ! « Un système électrique 100% renouvelable est possible en Europe », concluent-ils.

Néanmoins, en Europe, un tel super-réseau n’existe encore. « Les recherches menées donnent des indications concernant les futurs besoins en stockage. Il y a des incertitudes dans les résultats, comme dans toute recherche », indique dans un esprit scientifique Stefan Bofinger, directeur du dépar tement Réseaux électriques à grande échelle au Fraunhofer-IWES. « Nous menons actuellement une autre étude sur ce thème, mais les résultats ne seront pas publiés avant 2014. » Serait-il possible de répondre aux besoins en stockage de l’Europe entière uniquement avec l’hydromodulable scandinave ? D’un point de vue théorique, « le potentiel scandinave est vraisemblablement suffisant », indique le chercheur. Mais concrètement, en l’état actuel, « nous n’avons pas la copperplate (plaque de cuivre, expression utilisée dans le jargon des experts des réseaux électriques.) ; le super-réseau électrique n’existe pas à ce jour » en Europe.

La France et l’Allemagne, fers de lance d’une Europe de l’énergie ?

Pour Eddie O’Connor, président des Friends of the Supergrid, les obstacles à la mise en place d’un supergrid ne sont pas d’ordre technique. « Ce qui est à présent nécessaire, c’est un cadre réglementaire et financier pour permettre la réalisation de ses premiers pas. Ceci afin que l’énergie propre et durable puisse voyager depuis le nord et le sud de l’Europe vers les villes et les communautés de l’ensemble du continent. » La balle est donc dans le camp des politiques. Dix jours après son élection à la présidence de la République, François Hollande a déclaré : « Plutôt que de rechercher de nouvelles avancées sur l’Europe politique, je propose de relever un nouveau défi : après l’Europe de l’acier et du charbon et l’Europe agricole au début des années 1960, le grand marché dans les années 1980, c’est l’Europe de l’énergie avec des objectifs communs en matière d’économies d’énergie et de montée des énergies renouvelables. » Une approche susceptible de séduire outre-Rhin, comme en témoigne l’appel de Philipp Rösler, ministre de l’Économie au sein du gouvernement fédéral d’Allemagne, pour une coordination des politiques énergétiques entre l’Allemagne et la France afin de développer une expansion intelligente des réseaux électriques bénéficiant à tous les pays d’Europe.

Les 15 et 16 septembre 2012, à l’occasion de la conférence environnementale, François Hollande a réitéré cette perspective, appelant l’Europe à décider d’être « une communauté européenne de l’énergie », à l’image « de ce qu’elle a été capable de faire au lendemain de la seconde guerre mondiale autour du charbon, de l’acier ».

Louis Gallois, commissaire général à l’investissement, dans son rapport sur la compétitivité qu’il a rendu à Jean-Marc Ayrault le 5 novembre 2012, dénonce l’absence de politique européenne de l’énergie. C’est une « grave lacune » lâche-t-il. Il est selon lui impératif que l’Europe se réveille sur ce thème majeur, car sinon « sa compétitivité et, à terme, son indépendance, seront exposées à de grands risques. Il importe en particulier, que la transition énergétique soit gérée de manière cohérente en Europe. Chacun peut constater que ce n’est pas le cas ».

Selon la lettre spécialisée Enerpresse, le gouvernement français travaille actuellement sur ce projet d’Europe de l’énergie, ceci sous la houlette d’Anne Lauvergeon, ex-patronne du groupe Areva, qui fait partie des six personnalités nommées pour former le comité de pilotage du débat national sur l’énergie qui vient de commencer.

Par Olivier Danielo

Posté le par La rédaction


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