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Interview

Le végétal dans la construction en forte augmentation ces dernières années

Posté le par Nicolas LOUIS dans Chimie et Biotech

Les matériaux d’origine végétale sont très variés et possèdent des qualités bien spécifiques. Leur utilisation est actuellement en fort développement dans le secteur du bâtiment. Rencontre avec Blaise Dupré, directeur du Centre de recherche sur l'isolation biosourcé chez Isonat.

Le végétal dans la construction connaît actuellement un fort développement et est promis à un bel avenir dans les décennies à venir. Aujourd’hui, la fibre végétale représente entre 5 et 10 % du marché des isolants. Bois, coton, lin, chanvre, les ressources végétales disponibles dans le bâtiment sont vastes et variées. Elles permettent de fabriquer des matériaux de manière industrielle, conformes aux exigences normatives et réglementaires de la construction. Entretien sur cette thématique avec Blaise Dupré, directeur du CRIB (Centre de recherche sur l’isolation biosourcée) chez Isonat, une entreprise filiale de Saint-Gobain et spécialisée dans les isolants en fibre de bois.

Techniques de l’Ingénieur : Quelles sont les grandes familles de végétaux utilisés dans la construction ?

Blaise Dupré, directeur du CRIB (Centre de recherche sur l’isolation biosourcée) chez Isonat. Crédit photo Blaise Dupré

Blaise Dupré : La première famille, la plus utilisée et la plus connue, est le bois. C’est un matériau de construction historique. À la fin du 20e et début du 21e siècle, des matériaux différents ont commencé à être fabriqués à partir de cette base, notamment des fibres de bois aux propriétés isolantes. L’isolation est aujourd’hui le domaine où l’on rencontre le plus de produits biosourcés issus du végétal dans le bâtiment. D’autres fibres sont utilisées, et au deuxième rang, on retrouve le lin, le chanvre et le coton. Les isolants fabriqués sont souvent des mélanges de ces trois végétaux, avec une part non négligeable de coton recyclé issu de la filière textile.

La troisième catégorie d’isolants à fibre végétale est la paille de riz. Une dernière famille, un peu plus anecdotique, concerne le foin. Récemment, une start-up allemande a mis au point un matériau à partir d’herbe sous-marine.

Tous ces végétaux permettent de concevoir des matériaux manufacturés fabriqués dans des usines. Mais en dehors de cette catégorie, il y a aussi la paille, très utilisée dans la construction sous la forme de botte pour réaliser des structures porteuses ou alors pour du remplissage afin d’isoler les maisons.

Quels sont les atouts de ces matériaux issus de la biomasse végétale ?

Le végétal est une ressource renouvelable, abondante et souvent de proximité, même si dans le bâtiment, on a historiquement favorisé des ressources locales. Par exemple, dans la région de Toulouse et dans le nord de la France, les maisons ont été construites en briques rouges, car des veines d’argile étaient disponibles et permettaient de fabriquer de la terre cuite. Le local est une évidence dans le bâtiment, qui s’est perdu à partir de la deuxième moitié du 20e siècle.

Ensuite, ces matériaux possèdent des performances isolantes intéressantes et proches de celles des produits minéraux. Les meilleurs produits isolants issus du végétal sont ceux en fibres de bois avec des conductivités thermiques autour de 36 mW/m.K (milliwatt par mètre kelvin). Plus ce chiffre est faible, et meilleure est la propriété isolante. Quant aux fibres de lin, de chanvre ou de coton, les produits atteignent des conductivités comprises entre 38 à 39 mW/m.K.

D’autres qualités sont-elles à souligner ?

La fibre végétale, et en particulier celle de bois, a une plus grande capacité de déphasage et permet d’obtenir un meilleur confort thermique en été. Cette qualité est liée à sa meilleure chaleur massique, comprise entre 2 000 et 2 100 joules par kilogramme kelvin (J·kg-1·K-1) dans le cas d’une fibre de bois, alors que celle des produits minéraux est deux fois inférieure. À cela, s’ajoute le fait que les produits biosourcés sont plus denses, puisqu’une fibre de bois pèse entre 45 à 50 kg par m³ alors qu’une laine de verre se situe entre 20 à 25. Mais attention, cela ne signifie pas que les maisons isolées en fibres végétales vont systématiquement avoir un meilleur confort l’été. D’autres paramètres rentrent en jeu, notamment la structure du bâtiment, les ouvrants (portes, fenêtres, velux…).

Un dernier atout concerne l’environnement. Un bois va stocker du CO2 pendant la photosynthèse, qui peut être réémis dans l’atmosphère à la fin de vie du produit en cas de destruction par le feu. Ce stockage dans les matériaux pendant toute la vie du bâtiment représente une épargne ou un crédit de CO2, en sachant que le temps va contre nous dans notre lutte pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Aussi, l’énergie globale nécessaire pour produire 1 kg de fibre de bois est à peu près comparable à celle pour fabriquer 1 kg de laine de verre. Dans ce domaine, tout l’enjeu consiste à décarboner l’énergie utilisée.

Quelles sont les difficultés liées à l’utilisation de ces matériaux végétaux ?

Sur l’aspect fabrication, il n’y en a pas puisque ce sont des produits manufacturés et normés que l’on sait concevoir depuis plusieurs années. Par contre, la capacité industrielle française est un peu juste par rapport à la demande qui vient d’exploser. C’est pour cette raison qu’Isonat se lance dans un programme d’investissement qui va aider au doublement de la capacité industrielle française d’ici 2 à 3 ans.

Ensuite, il y a encore un besoin d’information et de formation de la filière, notamment les maîtres d’ouvrage sur l’utilisation de ces matériaux. Tous les projets ne peuvent pas en accueillir et il est nécessaire d’adapter une solution technique à chaque usage. Les artisans commencent à être formés, néanmoins il y a encore des points particuliers sur la mise en œuvre qui nécessitent de la formation. Concernant les bureaux de contrôle, certains connaissent ces matériaux et d’autres pas du tout et ont alors des difficultés à valider une construction.

Ce sont aussi des matériaux différents qui peuvent, s’ils sont mal posés ou mal utilisés, être sensibles à l’humidité ou brûler plus rapidement. Mais ces aspects sont pris en compte dans les avis techniques et les normes qui précisent des conditions de montage et de mise en œuvre de ces produits. La construction a énormément progressé et les assemblages de matériaux sont des systèmes complexes qui permettent de prendre en compte les qualités et les défauts de chaque produit.

Concernant le prix, ce sont des produits plus chers que les matériaux minéraux mais qui n’ont pas même usage. Je ne pense pas qu’il faille les opposer.

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Posté le par Nicolas LOUIS


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