La gestion de la fraude dans les organisations, qu’elles soient publiques ou privées, constitue un enjeu prenant une véritable ampleur depuis une dizaine d’années. La prise de conscience de la gouvernance des entreprises que ce risque opérationnel peut constituer une véritable source de coûts mettant en danger la préservation de la marge des entreprises amène peu à peu à une réponse organisée se traduisant par un processus structuré de lutte contre la fraude. Ce processus suppose préalablement d’avoir défini une stratégie de lutte contre la fraude. Sa structuration implique quant à elle d’éviter certains écueils et de bien définir les rôles et les responsabilités, ce à l’appui des compétences et des ressources suffisantes, ce qui en soi constitue une difficulté récurrente dans bon nombre de secteurs d’activités face au risque de fraude parfois difficilement quantifiable, voire mesurable.
Certains secteurs tels que la banque, l’assurance, les mutuelles, ont structuré peu à peu leurs réponses aux risques de fraudes, expression volontairement plurielle car la fraude est protéiforme et évolutive. Les fraudeurs s’adaptent et les schémas de fraudes soit se complexifient, soit de démultiplient. Il est encore intéressant de noter que le risque de fraude connaît quelques récurrences dans le temps et que certains schémas de fraudes désormais bien connus continuent d’opérer (la fraude monétique, la fraude par hameçonnage ou « phishing », la fraude aux faux ordres de virements internationaux dite « fraude à la gouvernance » par exemple).
De nombreuses affaires médiatiques récentes illustrent la nécessité de ne pas relâcher les efforts en matière de lutte contre la fraude. Les différents baromètres du Risk Manager situent la fraude dans les premières préoccupations des Risk Managers, bien avant les risques de gouvernance ou en bonne position au même titre que d’autres risques tels que les risques stratégiques et financiers. D’autres études et rapports insistent sur le fait que la fraude est un enjeu majeur, bien souvent sous-estimé, et pour lequel une attention continue reste nécessaire, les schémas de fraude évoluant et les fraudeurs se professionnalisant.
Par conséquent, l’objet de cet article est d’envisager comment structurer une réponse organisationnelle face aux risques de fraude. Nous définissons la fraude comme un risque opérationnel (inhérent à une activité donnée) se traduisant par une tentative d’enrichissement illégale, indue, par une personne (physique ou morale) externe à l’organisation ou interne à celle-ci ; il est alors question de fraude interne, et ce au détriment de l’organisation victime de ladite fraude.
Le processus de lutte contre la fraude est quant à lui défini comme l’ensemble des étapes et sous-étapes d’une activité coordonnée et pilotée par l’organisation (le plus souvent la direction des risques ou le département en charge des contrôles dans l’organisation). Ce processus se définit comme un enchaînement d’activités (détection de cas de fraude, investigations, constitution de preuves, analyse des risques encourus, traitement des cas avérés par le biais de mesures de recouvrement des sommes fraudées, action en justice, sécurisation de l’organisation etc.). Ces étapes seront décrites ultérieurement.
Sans prétendre à l’exhaustivité, cet article insiste sur le caractère complémentaire des stratégies évoquées ainsi que sur l’intérêt de décliner ces dernières en pratique via des processus dédiés tout en les intégrant dans un dispositif plus large de gestion des risques.
Ces éléments amènent différentes problématiques que les développements ci-après aborderont : quelles stratégies face à la fraude ? S’agit-il nécessairement d’un risque subi ? Peut-on mettre en place des moyens de maîtrise efficaces et une organisation suffisamment précise et claire ? La confidentialité d’un tel sujet permet-elle une communication dédiée ?
De telles problématiques sont d’autant plus essentielles qu'elles restent d’actualité et sont récurrentes dans l’histoire des fraudes dans l’organisation, qu’il s’agisse de fraudes comptables, de fraudes aux faux ordres de virements, de fraudes de type abus de marché, etc.