Les micro-organismes photosynthétiques de type microalgues et cyanobactéries tendent à s’imposer dans de nombreux secteurs applicatifs. Du fait de la spécificité du métabolisme photosynthétique par rapport aux micro-organismes hétérotrophes (bactéries, levures), et d’une biodiversité importante, le potentiel d’applications est large. Les micro-organismes photosynthétiques sont ainsi utilisés pour (i) la production solaire de bioénergies (lipides pour utilisation en tant que biodiesel ou biokérosène, sucres en tant que source de bioéthanol ou biométhane, hydrogène par biophotolyse de l’eau, etc.), (ii) la production de molécules naturelles d’intérêt (pigments et polysaccharides pour la cosmétique et la nutraceutique, protéines et lipides de type oméga-3 pour l’alimentaire, synthons pour la chimie verte, etc.) ou bien encore (iii) la dépollution d’effluents gazeux (CO2 issus de fumées) ou liquides (nitrates, phosphates, métaux d’eaux usées) avec la production associée d’une biomasse végétale aux débouchés multiples.
Du fait des besoins particuliers de la croissance photosynthétique, la production industrielle de microalgues et cyanobactéries requiert cependant des technologies dédiées radicalement différentes des bioréacteurs utilisés conventionnellement dans l’industrie fermentaire. Ces photo-procédés doivent permettre la croissance photosynthétique basée sur l’assimilation, grâce à la lumière captée, de nutriments inorganiques (CO2 ou hydrogénocarbonates) et minéraux (nitrates, phosphates, etc.). Selon les contraintes et objectifs d’exploitation, le procédé de culture est à sélectionner parmi un large panel de solutions technologiques allant des systèmes ouverts extensifs (type lagunage) aux systèmes intensifiés et clos (type photobioréacteurs) et utilisant soit l’énergie solaire, soit une source artificielle de lumière.
De cette diversité technologique résulte une très grande variabilité de performances selon le niveau de contrôle et d’optimisation apporté. Ces technologies répondent cependant à un ensemble de règles particulières aujourd’hui bien éprouvées. Ces règles permettent de proposer des démarches rationnelles pour les missions d’ingénierie consistant à prévoir les performances d’une technologie donnée, à concevoir des technologies intensifiées à très fortes productivités, et à optimiser le fonctionnement d’unités données de production pour en maximiser les performances.
Cet article se propose de présenter les éléments essentiels à cette démarche d’ingénierie ainsi que les principaux concepts qui en découlent. Dans une première partie, les principes généraux de la culture de microalgues et cyanobactéries seront abordés. Les différents facteurs ayant un impact sur la croissance photosynthétique seront ainsi présentés. Cela permettra de dresser dans une deuxième partie les principes fondamentaux de conception des procédés de culture. La troisième partie introduira alors l’ensemble des éléments théoriques de base utiles à l’ingénieur pour concevoir et optimiser les procédés de culture de microalgues et cyanobactéries, avec un focus spécifique sur l’aspect lumière, facteur essentiel et spécifique à ces systèmes. L’intérêt de ces outils d’ingénierie sera en particulier illustré en donnant les gammes et limites de performances des différentes catégories rencontrées de procédés de culture. La dernière partie sera finalement consacrée à une revue des technologies existantes de culture pour les différents usages allant de l’étude en laboratoire à la production industrielle à très grande échelle. Les avantages et inconvénients intrinsèques à chaque système seront ainsi discutés afin d’illustrer la nature très particulière de ce photo-procédé qui à la fin ne peut proposer une solution unique pour la grande variété d’usages industriels visés. Cependant, l’usage approprié des notions et règles telles que décrites dans cet article permettent aujourd’hui de proposer et développer des solutions adaptées aux nombreux débouchés possibles et attendus des microalgues.