II y a une vingtaine d'années, voire moins, l'introduction de l'expression « document numérique » dans le vocabulaire des directions informatiques s'est faite de façon particulièrement discrète. Très peu de responsables de l'époque s'intéressaient à cet objet. Leurs préoccupations étaient plutôt tournées vers la gestion des données afin d'établir des modèles conceptuels représentant des situations de gestion en entreprise.
L'évolution des besoins, en particulier de mise à jour rationnelle et fiable de la documentation des engins militaires et des centrales nucléaires, a conduit les rédacteurs techniques à s'interroger sur les capacités des techniques informatiques à prendre en charge ce nouvel objet. À cette occasion, sa complexité est vite apparue. Une double approche structurelle et sémantique a conduit à séparer le fond et la forme et, parallèlement, à décrire un processus de production et d'usage souvent dénommé « cycle de vie du document numérique ».
C'est à partir de ce moment que le concept de « document numérique » est né. Depuis, cet objet est pleinement pris en charge par les techniques informatiques. Fait paradoxal et amusant à souligner, les langages SGML et XML auxquels l'analyse descriptive des objets documentaires a donné naissance sont devenus des langages de référence de l'informatique en générale.
Aujourd'hui, les aspects techniques liés à la gestion de l'objet document sont largement robustes et matures. En revanche, de nouvelles interrogations se posent. Elles sont principalement liées à l'usage, par le plus grand nombre, de cet objet. II ne s'agit plus uniquement de documentations techniques mais de tous les documents qui interviennent dans l'activité des entreprises et la vie des citoyens.
L'objectif que se donne cet article est de montrer que les interrogations actuelles ne portent plus essentiellement sur l'objet lui-même, mais sur l'usage qui en est fait.
La très grande majorité des documents liés à la vie des entreprises et à celle des citoyens existe sous forme numérique. Ils représentent des volumes et des échanges déjà considérables en croissance exponentielle. Ils traduisent et traitent de sujets et de préoccupations extrêmement diverses.
En conséquence, les interrogations qui se posent maintenant sont d"ordre social. Elles ne sont plus uniquement d'ordre technique. Elles relèvent des usages. Elles sont liées au stockage et à la valeur probante des documents numériques, à la préservation des droits de la personne et à la traçabilité des échanges. Elles nécessitent bien évidemment des réponses adaptées des sciences et des techniques dans un cadre normatif indispensable pour assurer les échanges et accepté par tous les acteurs.