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Centrales nucléaires : une adaptation nécessaire au changement climatique

Posté le par Arnaud Moign dans Environnement

Le refroidissement des centrales nucléaires est une problématique récurrente, qui refait surface à chaque épisode de sécheresse ou de canicule. Sans surprise, les températures extrêmes, observées fin juin, ont contraint EDF à stopper l’un des réacteurs de la centrale de Golfech afin de limiter les rejets d’eau chaude dans la Garonne. Un problème qui risque de s’aggraver d’année en année et imposera des actions d’adaptation.

Pour l’heure, rassurons-nous : le réchauffement climatique a un impact minime sur notre production d’électricité. D’après EDF, depuis 2000, « les pertes de production nucléaire pour des causes environnementales (température élevée et faible débit des fleuves) ont représenté en moyenne 0,3 % de la production annuelle du parc nucléaire ». Même lors de la canicule de 2003, les pertes de production n’avaient pas dépassé 1,43 % de la production annuelle d’EDF.

Néanmoins, il ne fait guère de doute que ces arrêts de production vont s’intensifier. Entre l’aggravation du changement climatique, la volonté de construire de nouveaux réacteurs[1] et la hausse significative de la consommation électrique[2] qui est prévue d’ici 2050, comment pourrait-il en être autrement ?

En quoi l’augmentation de la température de l’eau est-elle un problème ?

Pour leur refroidissement, les réacteurs nucléaires ont besoin d’eau. Cette eau est soit pompée dans les cours d’eau, soit pompée dans la mer. Et une fois prélevée, puis utilisée dans le circuit tertiaire de la centrale, cette eau est finalement rejetée dans le milieu naturel (sans émissions radioactives !), avec une température supérieure à la température d’entrée.

Selon la Sfen, ce sont ainsi 13 milliards de m3 d’eau qui sont prélevés chaque année et restitués à 97 % au milieu d’origine.

En cas de canicule, lorsque la température de l’eau prélevée est déjà importante, la température en sortie est donc nécessairement encore plus élevée. Or, selon la réglementation, l’écart de température entre l’amont et l’aval de la centrale ne doit pas dépasser 3°C, en théorie. L’eau en sortie ne doit pas non plus dépasser une valeur seuil comprise entre 28°C et 30°C, car cette hausse des températures a un impact sur les écosystèmes.

Par ailleurs, une eau plus chaude contient moins d’oxygène, ce qui peut sérieusement perturber la chaîne alimentaire et réduire la biodiversité.

La nécessaire adaptation au changement climatique du parc nucléaire

Pour éviter de dépasser ces seuils, ou lorsque le débit des cours d’eau devient insuffisant, EDF est donc contrainte de réduire sa production. Selon RTE, 71 % des pertes en énergie observées entre 2015 et 2020, étaient liées à des « débits trop faibles de la source froide. »

L’impact du réchauffement climatique est néanmoins limité, puisque c’est une menace ponctuelle, liée à l’eau. Mais ce qui n’est pas aujourd’hui un problème pourrait bientôt en devenir un !

C’est en tout cas ce que dit la Cour des comptes dans son rapport de 2023 intitulé « adaptation au changement climatique du parc des réacteurs nucléaires. »

La Cour des comptes préconise ainsi d’adapter la conception et de choisir judicieusement l’implantation géographique des prochains réacteurs, afin de tenir compte des incertitudes climatiques sur le long terme.

Le rapport reproche d’ailleurs à EDF son manque d’innovation en matière de développement de systèmes de refroidissement sobres en eau, malgré une veille active, alors « que des solutions techniques plus sobres en consommation d’eau, voire des technologies à sec, sont expérimentées à l’international. »

Les normes concernant les prélèvements et rejets d’eau par les centrales sont faites pour protéger la biodiversité et l’environnement. Néanmoins, lorsque la stabilité du système électrique est en jeu, l’Autorité de sûreté nucléaire peut accorder des dérogations. Lors de la canicule de 2022, quatre centrales, dont celle de Golfech, se sont alors retrouvées dans cet cas de figure et la situation risque de se reproduire régulièrement.

Une adaptation qui coûte cher

Pour éviter d’avoir à choisir entre la santé de la biodiversité aquatique et la santé du réseau électrique, il va falloir accélérer l’adaptation au changement climatique de nos centrales.

Or, cette adaptation coûte très cher. Selon la Cour des comptes, « la mise en œuvre de dispositifs liés au changement climatique a déjà mobilisé 960 millions d’euros de dépenses pour le parc nucléaire français entre 2006 et 2021. »

Les solutions mises en œuvre incluent notamment la construction de digues, en cas de montée des eaux et la rénovation des tours aéroréfrigérantes. Mais ces dépenses sont insuffisantes, puisqu’on sait déjà que la rénovation et la modernisation des centrales actuelles coûteront des dizaines de milliards d’euros.


[1] Six nouveaux EPR doivent être construits d’ici 2038 !

[2] Pour l’électrification des transports, de l’industrie et les data centers

Pour aller plus loin

Posté le par Arnaud Moign


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