L’édition 2025 de l’enquête IESF (Ingénieurs et Scientifiques de France), publiée le 8 octobre, dresse un panorama complet de la profession. Cette édition est une photographie fidèle du paysage professionnel, où le quasi-plein emploi s’impose comme une constante. Les ingénieurs et scientifiques français y confirment leur position de pilier économique, dans un contexte de mutation technologique et d’essor de l’intelligence artificielle.
L’enquête IESF 2025 s’appuie sur un échantillon particulièrement solide de plus de 19 000 ingénieurs et scientifiques, représentant fidèlement la diversité des parcours et des générations du monde de l’ingénierie en France. Afin de garantir la fiabilité des résultats, les données ont été pondérées selon l’âge, le genre et l’école d’origine, de façon à restituer une image équilibrée de la profession dans son ensemble.
La majorité des répondants est diplômée d’écoles d’ingénieurs françaises, mais le panel comprend également des scientifiques issus de l’université, notamment des titulaires de doctorats. Ces derniers représentent environ 6 % de l’ensemble des participants. Ils se distinguent par leur forte présence dans la recherche publique, la R&D industrielle et les secteurs à haute intensité technologique.
Sur le plan professionnel, plus de 90 % des ingénieurs interrogés exercent une activité, confirmant la situation de quasi-plein emploi observée depuis plusieurs années. Le taux de chômage reste inférieur à 3 %, un niveau nettement en-dessous de la moyenne nationale. Plus de la moitié des répondants occupe des postes d’encadrement ou de direction, une proportion qui dépasse 60 % après dix ans de carrière.
Les grandes entreprises continuent de concentrer une part importante des ingénieurs – environ 45 % des répondants travaillent dans des groupes industriels de taille internationale – mais la dynamique évolue. De plus en plus de professionnels choisissent de rejoindre des PME innovantes ou des start-up technologiques, notamment dans les secteurs du numérique, de l’énergie et de la transition environnementale.
La répartition sectorielle traduit les grandes priorités industrielles françaises. Le domaine de l’aérospatiale et de la défense connaît un net rebond, avec une augmentation de 10 % du nombre d’ingénieurs qui y travaillent par rapport à l’année précédente. Le numérique et l’intelligence artificielle poursuivent leur expansion et concernent désormais près d’un ingénieur sur cinq, tandis que l’énergie et l’environnement mobilisent près de 18 % des effectifs. Le secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur, quant à lui, regroupe environ 7 % des répondants.
Sur le plan sociodémographique, la féminisation de la profession progresse lentement mais sûrement. Les femmes représentent aujourd’hui environ 21 % des ingénieurs, contre 19 % en 2022. La génération montante est également bien représentée puisque les moins de 35 ans constituent près d’un tiers de l’échantillon, traduisant un rajeunissement global de la population d’ingénieurs.
La dimension internationale reste un marqueur fort des carrières scientifiques et techniques. Un ingénieur sur quatre a déjà exercé une activité à l’étranger, principalement en Europe, en Amérique du Nord ou en Asie. Toutefois, l’enquête souligne un changement notable. Ainsi, de nombreux professionnels expriment désormais le souhait de revenir travailler en France, attirés par les opportunités liées à la réindustrialisation, à la souveraineté technologique et au développement de l’hydrogène, de l’IA et des nouvelles énergies.
L’enquête IESF 2025 illustre donc une communauté hautement qualifiée, mobile et engagée, au cœur des transformations industrielles et sociétales. Ces ingénieurs, jeunes ou expérimentés, en France ou à l’étranger, incarnent la vitalité d’un corps professionnel en pleine mutation, où l’expertise technique se conjugue de plus en plus avec une recherche de sens, d’impact et d’innovation durable.
Un marché du travail toujours sous tension positive
Les chiffres confirment par ailleurs une situation exceptionnelle. Ainsi, le taux de chômage des ingénieurs reste inférieur à 3 %, plaçant la profession dans une dynamique de quasi-plein emploi. Dans un contexte économique marqué par la transition énergétique, la réindustrialisation et l’explosion des usages de l’IA, les profils d’ingénieurs se trouvent au cœur des besoins stratégiques des entreprises.
Les jeunes diplômés, notamment issus des écoles d’ingénieurs spécialisées en informatique, data science, énergie et matériaux, trouvent un poste en moins de six mois en moyenne. Cette tension sur le marché de l’emploi pousse les entreprises à renforcer leurs politiques d’attractivité et à repenser leur marque employeur.
Les grands groupes de l’aéronautique, de la défense et du numérique continuent d’attirer, mais les PME et start-up gagnent du terrain, séduisant par des perspectives de responsabilité rapide et de flexibilité organisationnelle.
Aérospatiale : une filière en renouveau
Parmi les secteurs analysés, l’aérospatiale se distingue par un fort rebond. Après plusieurs années marquées par les effets de la crise sanitaire et les tensions sur les chaînes d’approvisionnement, le secteur connaît une reprise soutenue de l’emploi et de la R&D. L’étude met en évidence un rajeunissement des équipes et une montée en puissance des compétences liées à la numérisation des systèmes embarqués, à la modélisation 3D, et à la cybersécurité des infrastructures critiques.
Les jeunes ingénieurs expriment un regain d’intérêt pour ce domaine stratégique, porté par les enjeux de souveraineté industrielle et les ambitions spatiales européennes. Une hausse de près de 10 % du nombre d’ingénieurs déclarant travailler dans l’aérospatiale par rapport à 2023 est constatée.
Doctorat : un atout encore sous-valorisé
L’enquête consacre un module spécifique au doctorat, souvent perçu comme un parcours d’excellence, mais encore marginal dans les carrières d’ingénieurs.
Les docteurs-ingénieurs représentent environ 6 % de la population totale des répondants, un chiffre stable depuis plusieurs années. Toutefois, la tendance montre une meilleure reconnaissance salariale et une progression des postes à responsabilités pour ces profils.
L’écart de rémunération moyen en faveur des ingénieurs titulaires d’un doctorat est de 15 %, notamment dans la R&D et les technologies de pointe (photonique, IA, matériaux). Cependant, la mobilité internationale et la valeur perçue du doctorat dans l’industrie française restent des freins à sa généralisation.
Intelligence artificielle : entre fascination et adaptation
L’intelligence artificielle occupe cette année une place centrale dans l’étude. Près de 45 % des ingénieurs déclarent utiliser l’IA dans leurs activités quotidiennes, que ce soit pour l’analyse de données, la simulation, la conception ou la maintenance prédictive.
Un écart générationnel marqué se fait jour puisque plus de 60 % des ingénieurs de moins de 35 ans utilisent régulièrement des outils d’IA, contre seulement 25 % chez les plus de 50 ans. Cette adoption rapide s’accompagne de nouvelles attentes en matière de formation continue. Ainsi, les ingénieurs réclament davantage de modules sur les algorithmes d’apprentissage automatique, la cybersécurité, l’éthique des données et la conformité réglementaire (IA Act européen).
Engagement sociétal et équilibre vie pro/vie perso
Au-delà des aspects techniques, l’enquête IESF 2025 met en lumière une évolution profonde des valeurs.
Plus de la moitié des répondants déclarent accorder une importance croissante à l’impact environnemental et social de leur entreprise. Les ingénieurs de moins de 30 ans sont particulièrement sensibles à la finalité des projets auxquels ils participent. Par ailleurs, le télétravail est mieux perçu puisque 72 % estiment qu’il a renforcé leur efficacité et leur qualité de vie, tout en préservant la cohésion d’équipe.
Enfin, l’engagement bénévole et associatif progresse. Près d’un ingénieur sur cinq consacre ainsi du temps à des actions citoyennes, qu’il s’agisse de mentorat, d’associations techniques ou de projets de vulgarisation scientifique.
Un corps professionnel en mutation
Cette 36e édition de l’enquête IESF confirme la résilience et l’adaptabilité d’une communauté professionnelle au cœur des transformations industrielles. Entre la montée en puissance de l’IA, la relance de l’aérospatiale et la redéfinition des carrières scientifiques, les ingénieurs apparaissent plus que jamais comme des acteurs clés de la transition économique et technologique.
Les données 2025 traduisent une certitude : la France dispose d’un vivier d’ingénieurs hautement qualifiés, mais leur valorisation dépendra de la capacité collective à soutenir la recherche, encourager le doctorat, et renforcer les liens entre industrie et innovation.









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