Une équipe de chercheurs vient de mettre en évidence l’existence d’une vitesse limite pour la projection supersonique de particules d’aluminium dans les procédés industriels utilisés pour la fabrication de revêtements. Contrairement à ce que l’on pensait précédemment, au-delà de cette limite, les liaisons métalliques commencent en effet à se dégrader. Une découverte importante pour le monde de l’industrie.
Parmi les procédés industriels qui permettent de construire un revêtement sur une pièce, certains utilisent la projection à très grandes vitesses de poudres métalliques. C’est le cas de la projection à froid (ou cold spray). La déformation des particules métalliques micrométriques lors de l’impact permet en effet d’obtenir des revêtements durables, de très bonne qualité, présentant une forte adhérence. Cette collision à haute vitesse libère en effet une grande quantité d’énergie qui permet la formation de liaisons métalliques fortes.
Une limite de vitesse de projection identifiée à 1 060 mètres par seconde
Pourtant dans certains cas, la qualité de ces liaisons est moindre, voire mauvaise, entraînant une dégradation de la qualité du revêtement. L’origine de ces défauts n’est cependant pas bien identifiée. Pour optimiser les techniques industrielles et mieux comprendre la formation de ces liaisons métalliques par projection à très haute vitesse, une équipe de chercheurs des universités de Cornell (USA) et de Tohoku (Japon) a réalisé une série de tests en laboratoire. Des particules d’aluminium de 20 micromètres de diamètre ont ainsi été projetées sur une surface d’aluminium à des vitesses allant de 800 à 1 337 mètres par seconde, soit bien plus que la vitesse du son. Les impacts ont été observés à l’aide de caméras à grande vitesse et la qualité des liaisons métalliques analysée. Ce type de mesures in situ sur la force des liaisons métalliques est une première.
Et les résultats, publiés dans la revue PNAS, ont dans un premier temps surpris les scientifiques. Alors que l’on pensait que plus la vitesse était élevée, plus les liaisons étaient fortes, les analyses révèlent au contraire qu’il existe une vitesse « limite » à partir de laquelle la qualité des liaisons commence à décliner. Cette limite se situe à 1 060 mètres par seconde. Si, en deçà, la force des liaisons augmente avec la vitesse, au-delà elle diminue. Pour 1 337 mètres par seconde, les particules adhèrent ainsi très mal à la surface d’aluminium, donnant lieu à un revêtement de très mauvaise qualité.

Des liaisons endommagées à partir d’un certain seuil de vitesse
D’après les chercheurs, cette diminution de la force des liaisons serait attribuée à un phénomène appelé « récupération élastique renforcée » (intensified elastic recovery). Lorsqu’une surface est impactée par des particules projetées à très haute vitesse, elle perd en effet sa capacité à absorber l’énergie par déformation. À l’inverse, une plus grande part de l’énergie est stockée sous forme de contrainte élastique, ce qui provoque le « rebond » des particules après l’impact. L’interface est alors étirée et endommagée, ce qui affaiblit la liaison avec les particules métalliques.
Cette découverte pourrait expliquer pourquoi une érosion du revêtement est parfois observée lors du procédé industriel. « Jusqu’à présent, les industriels pensaient que l’érosion était causée par des particules rapides traversant la surface du substrat ou par fusion de l’interface » explique Qi Tang, premier auteur de l’étude, dans un communiqué de presse. « Mais maintenant, nous savons que lorsque nous donnons une vitesse très élevée à une particule, la tendance accrue au rebond peut provoquer le détachement d’une particule précédemment liée, empêchant ainsi l’accumulation de matière » sur le substrat. Cette nouvelle compréhension des dynamiques qui régissent les interactions entre les particules et le substrat à très hautes vitesses, les chercheurs ont ainsi mis en lumière le fait qu’il existe une balance optimale entre la vitesse de projection des particules et la résistance des liaisons métalliques.
Un phénomène indépendant de la nature du métal ?
La question est désormais de savoir si ce phénomène se produit quelle que soit la nature du métal utilisé, ou s’il est caractéristique des particules d’aluminium. De nouvelles études seront donc nécessaires, même si les chercheurs penchent pour la première option. L’influence de la taille des particules sera également à déterminer.
Dans tous les cas, ces nouveaux résultats devraient permettre aux industries utilisant la projection supersonique de microparticules dans des procédés tels que la projection à froid ou l’impression 3D d’optimiser leurs résultats. Des secteurs comme l’aérospatial ou l’industrie automobile seront donc certainement preneurs de ces nouvelles données qui pourraient révolutionner les techniques de production.
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