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Décryptage

Le train à batterie de Bombardier, un hydrogène-killer ?

Posté le par La rédaction dans Innovations sectorielles

Le constructeur français Alstom a présenté mercredi 21 novembre 2018 une version française de son train à hydrogène. Objectif: que les régions commandent une trentaine d'exemplaires au premier trimestre 2019. Mais est-ce un choix technologique vraiment pertinent ? Est-ce la seule façon de remplacer les trains au diesel ? Le groupe québécois Bombardier a une option beaucoup plus économique et énergétiquement plus efficace à proposer.

Nom de code: Talent 3. A l’occasion du salon du ferroviaire InnoTrans, à Hennigsdorf près de Berlin, le groupe Bombardier a présenté du 18 au 21 septembre 2018 un train à batterie qui remplace le train diesel polluant. Une solution qui est, selon Bombardier, DEUX FOIS moins coûteuse que le train à hydrogène. Le constructeur allemand Siemens Mobility, en collaboration avec la compagnie autrichienne ÖBB, va proposer un concept similaire.

Michael Liebreich ne semble pas convaincu par le train à hydrogène. Ni par les véhicules hydrogénés en général. « ll y en a peut-être encore qui sont convaincus que les véhicules électriques à batterie ne seront jamais à la mode, ou que les conducteurs du monde attendront des voitures à hydrogène, mais leur nombre diminuera » a déclaré dans une tribune  ce fondateur de l’agence Bloomberg New Energy Finance (BNEF) devenue une référence à l’échelle mondiale dans le domaine des CleanTechs.

« Au début de 2016 l’Agence internationale de l’énergie prévoyait seulement 23 millions de voitures électriques sur les routes du monde d’ici 2030; cette année, elle avait augmenté ses chiffres à 127 millions en 2030 et à 280 millions en 2040. BP a fait passer ses prévisions pour 2035 de 72 millions à 210 millions. Même l’OPEP est passée de 46 millions d’EV à 253 millions en 2040 » a rappelé cet expert. Selon le patron de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, « la technologie liée à l’hydrogène n’est pas accessible dans une phase immédiate car il reste beaucoup de progrès à réaliser en termes de coût et de sécurité. Nous devrons attendre dix ans et plus encore car la force de l’hydrogène se base sur les faiblesses de l’électricité. Or, la prochaine Zoé affichera 600 km d’autonomie ! » Il est donc peu probable que la tortue à hydrogène parvienne à rattraper le lièvre à batterie. A fortiori avec l’arrivée sur le marché, au début de la décennie 2020, de la technologie de batterie solid-state. La fable africaine de Bouki-la-hyène et de Leuk-le-lièvre, héros civilisateur, serait donc mieux adaptée. Assis dans son coin, il y avait Leuk-le-lièvre. Bouki-la-Hyène le regarda longuement, puis, il se dit : « Celui là est un peu trop malin, il est suffisamment petit pour que je puisse le battre mais je suis sûr qu’il va encore me jouer un sale tour, comme il me le fait toujours. Ce n’est pas prudent de le choisir comme adversaire. »

Outre son coût un véhicule à hydrogène (qui est un véhicule à moteur électrique) est  trois fois moins efficient qu’un véhicule à batterie, autrement dit il consomme trois fois plus d’électricité. Il faut en effet produire, compresser, stocker et distribuer le gaz dihydrogène. Egalement conseiller stratégique de l’alliance mondiale pour les solutions efficientes créé par la fondation Solar Impulse, du nom de l’avion électrique à batterie qui a fait le tour du monde par étapes, Liebreich a ajouté: « même si je continue à être cinglant concernant les bénéfices de l’hydrogène pour les transports de courte-distance (tout ce qui fait moins de 400 kilomètres, que ce soit pas route, rail ou air), l’hydrogène, tout comme les agrocarburants, a encore sa chance pour les distances plus longues ».

Concernant les solutions pour remplacer les trains au diesel Liebreich estime que « l’hydrogène n’est pas la seule option (mis à part le fait que si l’hydrogène est généré à partir de méthane, vous pourriez tout aussi bien faire fonctionner le train avec du gaz naturel comprimé, ou GNC, comme c’est parfois le cas en Inde). Une autre façon d’éliminer les émissions sans électrifier l’ensemble de la voie serait que le train transporte une batterie et se recharge périodiquement en cours de route, comme proposé par Bombardier, la start-up anglaise Vivarail ainsi que par d’autres. Cela pourrait bien se révéler moins coûteux et plus simple que l’option sur l’hydrogène, en particulier pour les lignes à courte et moyenne distance ».

Le train à batterie de Bombardier peut aujourd’hui réaliser un trajet de 40 kilomètres. Stefan von Mach, chef de ce projet, a déclaré à l’AFP que « la demande du marché en Europe, c’est une autonomie de 100 km. Nous devrions la proposer d’ici un an ou deux (…) Environ 40% du réseau ferroviaire allemand n’est pas électrifié. Le train à batterie de Bombardier est une option attractive face à cela, tant du point de vue économique qu’écologique ». Sur les tronçons non électrifiés l’hydrogène sera probablement adapté aux (très rares) trajets de plus de 100 kilomètres d’une traite. Il s’agit par conséquent d’un petit marché de niche. Le train à batterie coûte 20 à 30% plus cher qu’un train diesel, mais si l’on intègre les très copieuses économies de carburant alors il revient en coût global environ 20% moins cher qu’un train hybride (électrique et diesel) compte tenu du prix du carburant fossile.

Produire une tonne d’hydrogène à partir de gaz fossile conduit à émettre entre 11 et 13 tonnes de CO2.

Pour aller plus loin

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Les derniers commentaires

  • Mais je suis bien d’accord, et c’est ce que l’on fait quand on veut honnêtement comparer deux technologies sur la base d’un productible équivalent. Il faut faire un bilan carbone à périmètre large (ACV analyse du cycle de vie) ce que beaucoup oublient de faire en avançant des chiffres biaisés…. C’est comme cela que l’on nous fait croire que le nucléaire n’émet pas de CO2, alors qu’il a fallu construire les centrales, les entretenir, puis les détruire, et que l’uranium ne se trouve pas sous forme de barres de combustible dans la nature et qu’il faut remuer et traiter d’énormes quantités de matériaux pour fabriquer un barreau. Tout cela a un impact CO2. C’est également vrai pour les batteries, depuis l’extraction des terres rares jusqu’à leur recyclage, en passant par l’impact CO2 des recharges électriques….. Quand on aura compris cela, on s’apercevra qu’il y a des technologies que l’on dit vertueuses et qui ne le sont pas et d’autres dites sales et qui sont relativement vertueuses. Il faudrait que les politique, la presse au sens large et la presse technique en particulier fassent cette démarche honnêtement avant d’asséner aux populations des affirmations erronées, comme quoi la voiture électrique par exemple serait écologiquement vertueuse.

  • Puisqu’on soulève le bilan carbone pour la production des batteries comme argument « à contrario » vs les trains à hydrogène, pourquoi ne pas inclure également le bilan carbone d’une éolienne pour avoir une vue d’ensemble et comparer « objectivement » les deux filières? Cela étant, si la source primaire d’énergie provient de l’éolien, l’électricité produite et consommée dans un train à batteries sera de 100%. Alors que la production d’hydrogène via l’électrolyse de l’eau à partir de l’éolien présente une efficacité de 50-70% (cf wikipedia) sans parler des autres procédés de production de l’hydrogène encore moins efficaces. Ce qui démontre le fait que l’efficacité d’un train à batteries sera plus élevée que l’efficacié d’un train à l’hydrogène.

  • Un peu orienté l’article non? Surtout dans sa conclusion sur le CO2 dégagé pour produire l’hydrogène à partir de sources carbonées.
    L’auteur semble ignorer que des alternatives existent avec par exemple l’hydrolyse de l’eau qui pourrait être réalisée offshore avec des éoliennes et/ou hydroliennes non connectées au réseau avec une électricité bon marché, et dans ce cas le bilan carbone serait pratiquement nul, à l’exception de l’amortissement du bilan carbone pour la fabrication des hydroliennes ou éoliennes…
    Allons! quand on présente un sujet aussi novateur, il faut être complet et non partiel et partial.
    C’est avec des présentations biaisées comme celle là que l’on essaye de faire croire que la voiture électrique est écologiquement plus vertueuse que la voiture thermique (voir les articles récents sur le sujet dans l’usine nouvelle par exemple)…
    Il serait intéressant que M Michael Liebreich nous donne le bilan CO2 de la fabrication de ses batteries et bien sûr de leur recyclage…. comme pour les voitures électriques!


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