Le bruit routier constitue depuis plusieurs décennies une nuisance majeure d’environnement en France et dans de nombreux autres pays. De récentes études montrent que plus de 30 % de la population européenne est exposée à des niveaux de bruit de trafic routier jugés dangereux pour la santé selon les limites fixées par l’OMS. L’enjeu de la réduction du bruit de trafic routier est donc particulièrement important. Si les écrans antibruit restent les outils de lutte contre le bruit routier les plus largement utilisés actuellement, les moyens de réduction à la source présentent l’énorme avantage d’être plus globaux (n’agissent pas seulement localement), moins intrusifs (visuellement) et moins coûteux pour la société. Au cours des vingt dernières années, les constructeurs automobiles sont parvenus à diminuer considérablement le bruit mécanique des véhicules (moteur, échappement, transmission). Par ailleurs, les vitesses considérées (inférieures à 130 km/h) sont trop faibles pour que le bruit aérodynamique lié au déplacement du véhicule dans l’air soit significatif. En conséquence, le bruit émis par le contact entre le pneumatique et la chaussée, ou « bruit de roulement », est devenu prédominant, même à faible vitesse de circulation, à partir de 50 km/h pour les véhicules légers (et même 30 km/h pour les véhicules neufs), et environ 80 km/h pour les poids lourds. Des solutions pratiques existent pour diminuer ce bruit de roulement, par action sur les caractéristiques du pneumatique, sur celles du revêtement de chaussée ou par limitation de la vitesse des véhicules. L’enjeu le plus important semble porter sur la chaussée, l’action sur les pneumatiques étant limitée par des problèmes de sécurité et de durabilité. Pour un même véhicule, une différence de l’ordre de 2 à 3 dB(A) est obtenue selon qu’il est ou non équipé de pneumatiques optimisés acoustiquement. En revanche, des gains d’une dizaine de décibels peuvent être atteints en bordure de voie entre les revêtements les plus bruyants et les moins bruyants, et certains revêtements peu bruyants sont maintenant proposés comme des moyens de réduction du bruit routier à part entière.
La génération de bruit de roulement est un phénomène complexe qui a d’abord été appréhendé expérimentalement. Par la suite, une analyse fine des phénomènes physiques en jeu dans le processus de génération du bruit de contact pneumatique-chaussée s’est révélée nécessaire afin d’optimiser les pneumatiques et surtout les revêtements de chaussée. En effet, il n’existe pas de dispositif ou de modèle réduit reproduisant de façon réaliste le bruit de roulement en laboratoire et, pour prévoir l’effet de telle ou telle caractéristique du revêtement sur le bruit engendré, il faut réaliser en grandeur réelle plusieurs dizaines de mètres de chaussée. Un modèle prévisionnel faisant intervenir des paramètres physiques de chaussée, quantifiables en laboratoire, présente alors un intérêt considérable.
En parallèle, les méthodes de mesure du bruit de roulement ont évolué. Essentiellement deux méthodes sont utilisées actuellement : la mesure au passage et la mesure de proximité en continu. Ces méthodes de mesure ne sont pas équivalentes mais elles sont complémentaires. Elles permettent de valider les modèles, d’évaluer les propriétés acoustiques des revêtements de chaussée, de les comparer et de les suivre dans le temps, ou encore de fixer et vérifier des exigences dans un marché de renouvellement de revêtement.
Cet article présente les phénomènes physiques responsables de la génération de bruit de roulement, puis passe en revue les méthodes de mesure du bruit de roulement ainsi que leur intérêt respectif. Ensuite, les approches de modélisation physique et statistique (empirique ou hybride) sont exposées. Enfin, on fait le point sur les revêtements de chaussée peu bruyants, leur typologie, leur emploi et leur intérêt pour la réduction du bruit routier.