Au cours des deux dernières décennies, l’écologie microbienne n’a pas échappé à l’explosion des données connu sous le terme de « Big Data » (mégadonnées en français), notamment à cause de l’apparition de techniques de séquençage à très haut débit, générant des quantités massives de données . L’utilisation de ces nouvelles technologies regroupées sous le terme de « méta-omiques », associée à l’obtention de matériel biologique (ADN, ARN, protéines) directement d’un écosystème ont permis d’appréhender celui-ci non plus à l’échelle d’un organisme (méthodes « omiques ») mais en caractérisant l’ensemble des communautés d’organismes d’un écosystème . Cette révolution a permis d’accroître nos connaissances sur la complexité du microbiome de différents écosystèmes naturels, comme les sols .
Les sols jouent un rôle central dans de nombreuses fonctions, et leurs microbiomes remplissent de nombreux services écosystémiques pour maintenir une qualité environnementale, ces derniers étant impactés par les activités humaines . Par exemple, les micro-organismes des sols sont impliqués dans de nombreux cycles biogéochimiques, mais aussi dans d’autres fonctions comme la productivité végétale ou la barrière aux pathogènes. De plus, il a été possible d’identifier une série de facteurs (par exemple l’anthropisation, le dérèglement climatique) impliqués dans le changement de la qualité des sols, et en conséquence dans leur microbiome.
C’est pourquoi la qualité des sols ne se limite pas au degré de pollution à l’instar de l’eau et de l’air. Elle est définie plus largement comme « la capacité d’un sol à fonctionner dans les limites de son écosystème et de l’utilisation des terres pour maintenir la productivité biologique, maintenir la qualité de l’environnement et promouvoir les plantes et la santé animale » . Évaluer la qualité des sols ne se limite donc plus à déterminer certaines caractéristiques physico-chimiques. Elle doit prendre en compte la part biologique des sols, et notamment microbiologique, à travers la définition de nouveaux bio-indicateurs, et cela est devenu possible grâce à la démocratisation des technologies de « méta-omiques ».
Le concept d’indicateurs, largement répandu pour la surveillance de l’environnement en réponse à une gamme de stress et/ou de perturbations anthropiques ou naturels, renseigne sur l’état, les tendances et la gravité de la situation, permettant une prise de décision sur les solutions à apporter ou à soutenir .
Pour parvenir à une compréhension plus claire sur la qualité des sols (qu’ils soient naturels, agricoles, urbains ou industriels), et ainsi améliorer leurs diagnostics, il est recommandé d’utiliser différents indicateurs complémentaires les uns des autres (par exemple physique, chimique et/ou biologique) .
Le microbiome du sol, c’est-à-dire l’ensemble des micro-organismes du vivant et les conditions environnementales associées, est considéré comme l’un des indicateurs les plus sensibles pour mesurer la qualité du sol du fait que celui-ci répond rapidement aux changements environnementaux .
Cet article se focalisera uniquement sur les indicateurs biologiques dit « bio-indicateurs » et plus précisément sur la diversité et les fonctions des communautés microbiennes. Le rôle des micro-organismes dans les sols sera brièvement introduit, puis les méthodes d’étude basées sur les « méta-omiques » seront présentées. Enfin, l’intérêt de ces nouvelles technologies et leur utilisation pour la définition de nouveaux bio-indicateurs sera abordée.