À l’heure où l’Europe cherche à renforcer sa souveraineté industrielle et à décarboner ses filières stratégiques, un projet de grande ampleur mise sur l’hydrogène renouvelable pour produire des matières premières critiques sans émissions de CO₂. Le projet MECALO, coordonné par SINTEF, entend faire de cette ambition une réalité.
Le projet MECALO, financé par le programme européen Horizon Europe, vise à développer une méthode innovante de production de silicium et de manganèse en utilisant de l’hydrogène renouvelable parallèlement à un système circulaire du carbone. En d’autres termes, il ne s’agit pas simplement de remplacer le carbone fossile par l’hydrogène, mais de convertir le CO₂ rejeté en une matière carbone réutilisable. Silicium et manganèse sont essentiels pour les technologies propres telles que éoliennes, batteries, véhicules électriques et panneaux solaires. Aujourd’hui l’Europe dépend fortement de l’export extérieur, en particulier de la Chine, qui fournit 76 % du silicium mondial.
Le besoin de matières premières critiques (CRMs, Critical Raw Materials) et stratégiques (SRMs) est donc d’autant plus fort que ces matériaux sont au cœur de la transition énergétique. L’UE a proposé des règlements pour renforcer sa résilience dans ces chaînes de valeur. MECALO[1] se positionne, pour sa part, précisément au croisement des deux enjeux que sont l’accélération de l’autonomie de l’Europe et le respect des objectifs de neutralité carbone.
Dans le détail, MECALO ambitionne de réduire jusqu’à 95 % des émissions de CO₂ liées à la production de silicium et de manganèse par rapport aux procédés classiques. Le projet prévoit, à l’horizon 2050, de remplacer 9 millions de tonnes de charbon par 1 milliards de Nm³ d’hydrogène et d’éviter 33 millions de tonnes de CO₂ par an. Il s’agit donc d’un concept industriel très ambitieux, avec des partenaires répartis dans huit pays, couvrant toute la chaîne de valeur.
De nombreux domaines pourraient bénéficier de cette innovation avec, en premier lieu, l’industrie métallurgique, mais plus précisément les filières de production de silicium et de manganèse, deux éléments indispensables pour les alliages, les semi-conducteurs, les batteries et les technologies énergétiques. Le processus hydrogène/boucle carbone permet de repenser ces chaînes de production. Le secteur de l’énergie renouvelable, la mobilité (avec les véhicules électriques, les moteurs), et l’électronique (semi-conducteurs, panneaux solaires) sont ainsi directement concernés.
Les avantages sont significatifs. En plaçant l’hydrogène renouvelable au cœur du procédé, on remplace le carbone fossile, ce qui permet de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre. Le recyclage du carbone via une boucle « carbon-looping » permet de limiter un peu plus l’émission nette de CO₂. Par ailleurs, le renforcement de l’autonomie européenne dans les matières premières critiques signifie moins de dépendance aux importations, une meilleure sécurité de l’approvisionnement et un positionnement industriel européen plus fort. Enfin, en créant des procédés plus durables, on aligne la production métallurgique sur les exigences de la transition énergétique et des régulations européennes.
Cependant, de nombreux freins demeurent. D’abord, bien que l’objectif soit une réduction de 95 % des émissions pour la production de Si et Mn, le procédé reste à développer et doit encore passer de la phase laboratoire à l’échelle industrielle. Le point de maturité technologique (TRL) reste un défi. Le fait que l’hydrogène soit un agent réducteur moins performant que le carbone dans certains cas métallurgiques pose par ailleurs une limite technique importante. Le coût et la disponibilité de l’hydrogène renouvelable à grande échelle constituent également un facteur critique. La boucle carbone, quant à elle, doit être viable techniquement et économiquement. Enfin, les infrastructures de production, transport et stockage d’hydrogène ainsi que l’intégration de nouveaux procédés dans des chaînes existantes représenteront des défis d’ingénierie et d’investissement.
Sur le plan des perspectives, si MECALO atteint ses objectifs, cela pourrait créer une rupture dans la production de matières premières en Europe. On pourrait voir naître des usines « zéro-CO₂ » pour le silicium, le manganèse, et potentiellement d’autres métaux stratégiques. Cela permettrait d’accompagner la montée en puissance des technologies liées aux énergies renouvelables, à la mobilité électrique et aux infrastructures intelligentes. L’Europe pourrait ainsi réduire sa dépendance, gagner en souveraineté et en résilience. De plus, le modèle hydrogène + boucle carbone pourrait être répliqué dans d’autres secteurs métallurgiques « difficiles à décarboner », ouvrant la voie à une industrialisation future plus durable.
De fait, le projet MECALO coordonné par SINTEF[2] offre une vision technique et industrielle dans la production de matières premières critiques alignée avec les objectifs de décarbonation et de souveraineté européenne. Bien que des défis restent à surmonter, notamment en termes de maturation technologique, coûts, infrastructures, les retombées potentielles sont majeures tant pour l’industrie que pour la transition énergétique. Le succès de cette initiative pourrait marquer un tournant dans la façon dont l’Europe produit et sécurise ses matériaux stratégiques, tout en réduisant son empreinte carbone.
[1] MECALO
[2] SINTEF









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