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Interview

« La mise en place de programmes participatifs est la résultante d’un questionnement scientifique »

Posté le par Pierre Thouverez dans Environnement

Vigie-Nature est un programme de sciences participatives, fondé et porté par le Muséum national d’Histoire naturelle. Vigie-Nature développe depuis plus de 20 ans des programmes autour du suivi de la biodiversité, auxquels participent de nombreux volontaires, curieux de la nature, experts, associations.

Cette démarche s’appuie sur le suivi, par des volontaires, de protocoles scientifiques à la fois rigoureux et accessibles, qui vont permettre de contribuer à des actions de recherche et de suivi de populations animales et végétales. 

La remontée de ces données de terrain fournit aux chercheurs des données et des informations capitales, inaccessibles autrement. La collecte de ces données permet en effet de suivre l’évolution de la biodiversité à une plus grande échelle, et de mieux comprendre, par exemple, ces évolutions au regard des changements actuels, qu’ils touchent à l’urbanisation ou au changement climatique.

Grégoire Loïs, ornithologue et directeur adjoint du programme Vigie-Nature au Muséum national d’Histoire naturelle à Paris, a expliqué à Techniques de l’Ingénieur les raisons derrière le développement des sciences participatives, et l’apport essentiel des données récoltées pour la science.

Techniques de l’Ingénieur : Depuis quand le Muséum national d’Histoire naturelle développe-t-il des projets de sciences participatives ?

Grégoire Loïs : Les sciences participatives sont utilisées depuis longtemps au sein du Muséum national d’Histoire naturelle, et constituent même la base de certaines collections. Elles ont notamment été utilisées par le Muséum pour le baguage des oiseaux. En effet, des non professionnels ont été sollicités par le Muséum, et ce réseau d’amateurs, tous passionnés d’oiseaux, a permis de réaliser un baguage de grande ampleur. 

Ce réseau de bagueurs a été en quelque sorte le fer de lance pour déployer d’autres programmes de sciences participatives au sein du Muséum national d’Histoire naturelle.

Ensuite, en 1989, au sein de ce réseau a été décidée la mise en place de points d’écoute, pour faire du suivi de population de manière intégrée. Si le projet a mis du temps à démarrer, il a été lancé de manière effective dans les années 2000, et a rencontré un succès important sur le plan de la participation et des résultats. 

Ce programme, le STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs), est aujourd’hui une composante du programme Vigie-Nature, qui a depuis développé des programmes de suivi pour d’autres groupes : papillons, chauves-souris, escargots, insectes pollinisateurs, libellules, plantes sauvages des villes…

Quel est l’intérêt des programmes scientifiques participatifs pour la recherche ?

En 2006, l’appellation Vigie-Nature a été mise en place, pour regrouper l’ensemble des projets mis en place, comme le STOC, pour observer et suivre l’évolution de la biodiversité.

Dans la plupart des cas, la mise en place de ces programmes est la résultante d’un questionnement scientifique, d’un chercheur, d’un groupe taxonomique ou fonctionnel qui est l’objet de cette question, et un réseau d’amateurs, existant ou potentiel, pour mettre en œuvre le protocole conçu. Ces réseaux d’amateurs sont souvent regroupés au sein d’associations loi 1901.

Les groupes taxonomiques ou fonctionnels qui sont suivis par Vigie-Nature ne sont pas suivis par ailleurs sur cette échelle de temps et d’espace. Cela veut dire que la recherche n’a pas accès à ce genre de  données en dehors de Vigie-Nature.

Les données récoltées par les programmes que nous menons permettent donc aux chercheurs de mener des actions de recherches inédites, à des échelles spatio-temporelles jamais étudiées auparavant. Ces données permettent d’identifier les causes des grandes variations spatiales et temporelles, qu’elles soient positives ou négatives.

Les sciences collaboratives font l’objet d’un engouement important au sein de la société civile. Comment l’expliquez-vous ?

L’engouement de la société civile pour ce type de programmes scientifiques trouve son origine, à mon sens, dans la possibilité pour les personnes qui y participent d’intégrer un réseau, une communauté de gens utiles à la science, en plus de la participation active au programme.

Cette possibilité d’intégrer une communauté est un moteur fondamental pour mener à bien ces actions et réunir suffisamment de volontaires autour des projets menés.

Quels types de protocoles scientifiques sont utilisés pour ces programmes participatifs ?

Les protocoles que nous proposons pour ces programmes participatifs sont très diversifiés. Cela va de la simple observation à la mise en œuvre de protocoles plus complexes. Nous avons adapté les protocoles que nous développons car nous nous sommes rendus compte que le public qui s’intéresse à ces projets va du simple passionné, avec un bagage scientifique limité, au spécialiste chevronné, formé scientifiquement et ayant développé des compétences spécifiques. Ainsi, les protocoles que nous développons vont dépendre des groupes de personnes qui vont être sollicités pour mener concrètement les actions.

Les sciences participatives ont-elles aussi, par essence, une vocation pédagogique ?

Les aspects pédagogiques des programmes de sciences participatives sont multiples, c’est certain. Avec Vigie-Nature Ecole, nous développons des activités au sein des écoles pour proposer aux élèves de réaliser des ateliers scientifiques, ayant pour finalité de suivre l’évolution de la biodiversité. À ce jour, une dizaine de protocoles sont disponibles, et permettent d’étudier des groupes très variés.

A côté de ça, les participants qui s’impliquent dans nos programmes en retirent une montée en compétences, un “empowerment” et de la formation, qui leur permettent d’en savoir plus sur les groupes de population suivis, et sur la démarche scientifique dans son ensemble, à travers les protocoles scientifiques suivis. 

Quelles sont les attentes des citoyens qui participent à ces programmes participatifs ?

Les mécanismes qui induisent la participation et permettent de la stabiliser sont complexes. Pour certains, l’aspect de la montée en compétence est très important. Pour d’autres, qui ont déjà développé une expertise, l’attente se situera plus sur le fait de rejoindre une communauté experte, et aussi sur la meilleure façon pour eux de se sentir “utiles” pour la science.

Combien de volontaires êtes-vous parvenus à réunir à travers les différents programmes menés au sein de Vigie-Nature ?

Il est difficile de savoir combien de personnes au total sont impliquées sur les différents projets menés au sein de Vigie-Nature, mais on se situe dans une fourchette de 30 000 à 50 000 participants, sur l’ensemble des programmes en cours. En fait, un programme parmi tous ceux que nous proposons draine beaucoup de participants : c’est le programme “oiseaux des jardins”, qui gonfle le nombre total de participants. Il faut comprendre que le nombre de participants sur un programme peut être très variable. Le thème du programme et la complexité du protocole vont influer sur le nombre de volontaires que nous allons être en mesure de réunir.

Propos recueillis par Pierre Thouverez

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