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Supprimer la CS3D ? Une proposition qui ne fait pas l’unanimité chez les patrons

Posté le par Arnaud Moign dans Entreprises et marchés

Lors du 8e sommet Choose France, Emmanuel MACRON a annoncé qu’il était favorable à une suppression de la directive européenne sur le devoir de vigilance (CS3D), au nom de la lutte contre la bureaucratie. Cette annonce ne fait pourtant pas l’unanimité. Pour le Centre des jeunes dirigeants, cette directive n’est d’ailleurs pas un frein à la compétitivité : au contraire elle nous donnerait même une longueur d’avance face à la Chine !

Publiée en juillet 2024, la directive sur le devoir de vigilance en matière de durabilité, ou CS3D[1], établit un cadre juridique harmonisé, dont le but est de promouvoir un comportement durable et responsable des entreprises sur les chaînes de valeur mondiales.

Cette nouvelle directive, qui s’inscrit dans un cadre réglementaire plus large, avec notamment la CSRD, est un projet ambitieux qui obligera les entreprises relevant du champ d’application, à identifier, prévenir, réduire et éliminer les incidences négatives de leurs activités, que ce soit sur l’environnement ou les droits humains et sociaux.

La CS3D, symptôme de notre excès de bureaucratie ?

Néanmoins, ce texte contraignant est loin d’être populaire dans le monde de l’entreprise. Dans des secteurs comme l’automobile, la chimie ou le textile, déjà fragilisés par l’Inflation Reduction Act américain (IRA) et la concurrence asiatique, il y a en effet la crainte de voir apparaître des obligations difficiles à tenir, tant leurs chaînes d’approvisionnement sont complexes.

Il est vrai que l’arrivée d’une nouvelle directive contraignante peut sembler en décalage avec le contexte de guerre commerciale ouverte entre les États-Unis et la Chine. Pour nombre d’entreprises européennes, l’ajout de lourdeurs administratives supplémentaires est en effet perçu comme un frein supplémentaire à la compétitivité, surtout si l’Europe est la seule à appliquer de telles mesures.

La crainte d’un retour de Trump n’a fait qu’aggraver la situation et a fait souffler un vent de panique sur les institutions européennes. En novembre 2024, Ursula von der Leyen annonçait déjà un paquet de lois omnibus visant à alléger les obligations de reporting en matière de durabilité, pour les entreprises.

Et depuis l’arrivée de Trump, tout s’est accéléré. Le 26 février 2025, la Commission européenne a dévoilé sa feuille de route et confirmé les annonces formulées en novembre, en proposant un effort de simplification considérable, puisque 80 % des entreprises initialement concernées par la directive CSRD, c’est-à-dire essentiellement des ETI et PME, sont désormais exclues du champ d’application initial.

La France et l’Allemagne défendent une simplification administrative

Concernant la CS3D, la Commission a proposé un report de l’application du devoir de vigilance, une limitation du devoir de surveillance aux fournisseurs et sous-traitants directs, mais aussi une réduction de la quantité d’informations demandées aux PME et ETI.

La Commission s’est ainsi félicitée d’un effort de simplification sans précédent, qui permet de réduire « les charges administratives d’au moins 25 %, et d’au moins 35 % pour les PME ».

Néanmoins, pour la France et l’Allemagne, cet effort ne va pas assez loin. Lors du sommet Choose France, Emmanuel Macron, en accord avec le chancelier allemand Friedrich Merz, a ainsi appelé à une suppression pure et simple de la CS3D, tout comme quelques autres régulations « qui ne doivent pas être simplement repoussées d’un an, mais écartées ».

Cette volonté de simplification part d’une bonne intention : réduire le déséquilibre administratif entre les entreprises situées en Europe et hors Europe.

Mais, cette démarche peut aussi apparaître comme un nivellement par le bas, un renoncement de l’UE face à ses ambitions environnementales, elle qui fait figure d’exemple dans le domaine.

Une marche arrière qui ne fait pas l’unanimité dans le monde de l’entreprise !

Le Centre des jeunes dirigeants est l’une des rares organisations patronales à s’être prononcées en faveur du CS3D. Pour son président, Mathieu Hetzer, il est urgent d’agir maintenant pour le climat, mais malheureusement, la grande majorité des PME et ETI « ne feront rien si on ne les y oblige pas ».

Selon lui, ces directives contraignantes sont absolument indispensables, si l’on raisonne sur le long terme, car la Chine imposera elle-même ce genre de directives dans dix ans ou plus.

Par conséquent, si l’UE abandonne sur ce terrain législatif, « ce sont bien les normes environnementales et sociétales chinoises qui vont s’imposer à notre économie ». Conserver la CSRD et la CS3D, c’est donc garder un coup d’avance sur nos concurrents.

Enfin, le Centre des jeunes dirigeants n’est pas la seule organisation favorable à un maintien de ces directives. En ce qui concerne la France, on peut citer Impact France, le Cercle des experts-comptables ou encore la Convention des entreprises pour le climat et, au niveau européen, le mouvement Business for a Better Tomorrow (BBT) ou encore B Lab Europe.

Par ailleurs, des entreprises de premier plan défendent aussi ces directives et leur impact positif sur la compétitivité. Ikea, Unilever, Danone, H&M, Nestlé ont d’ailleurs signé des lettres ouvertes adressées à la Commission, afin de maintenir des règles harmonisées.

Idem au niveau des investisseurs, puisque Aviva Investors, Nordea et AXA IM ont aussi exprimé leur soutien à ces textes.

Espérons que l’UE saura trouver le bon équilibre entre simplification administrative et suppression pur et simple, car c’est notre crédibilité environnementale qui est en jeu !


[1] Corporate Sustainability Due Diligence Directive

Pour aller plus loin

Posté le par Arnaud Moign


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