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Vers une nouvelle filière de kérosène synthétique en France ?

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Vers une nouvelle filière de kérosène synthétique en France ?

Posté le par Matthieu Combe dans Énergie

L’Académie des technologies dévoile son rapport « Décarboner le secteur aérien avec du carburant durable ». Elle y défend un projet de décarbonation qui s’appuie sur les infrastructures aéroportuaires et les flottes actuelles grâce au développement d’une nouvelle filière de « carburant d’aviation durable ».

Faut-il réguler l’aviation internationale ? Interdire les vols intérieurs ? Avoir honte de prendre l’avion ? Ou au contraire miser sur l’avion à hydrogène et les autres technologies de décarbonation ? Les interrogations entourant le transport aérien se multiplient. Pour sa part, l’Académie des technologies veut croire à la décarbonation de l’aviation grâce au « carburant d’aviation durable », compatible avec les infrastructures et les avions existants.

« Les carburants durables pourraient permettre de diviser par 10 les émissions d’un vol », partage Daniel Iracane, expert du pôle énergie de l’Académie des technologies, pilote du rapport La décarbonation du secteur aérien par la production de carburants durables. Un aller-retour Paris-New York propulsé au kérosène synthétique émettrait ainsi autour de 100 kg de CO2 contre plus d’une tonne aujourd’hui. De quoi rendre l’aviation compatible avec le respect d’un budget carbone de 2 tonnes par Français en 2050.

Pour fabriquer du « kérosène durable » à large échelle dans de grandes installations industrielles, l’Académie identifie « trois ingrédients clés », à savoir « le carbone, l’hydrogène et l’énergie pour les produire ». Pour cette production, il faudra mobiliser la biomasse d’origine animale et végétale qui apporte l’ensemble de ces trois ingrédients : l’huile de cuisson usée, la graisse animale et les résidus forestiers et agricoles. Le potentiel de cette biomasse reste limité et soumis à de nombreuses incertitudes. Il faudra donc en plus produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, et l’associer à du CO2 capturé dans les rejets industriels ou extrait de l’air. Cette option nécessitera beaucoup d’électricité.

Une électricité décarbonée pour décarboner l’aviation

Aujourd’hui, la France utilise moins de 0,1 million de tonnes de kérosène synthétique chaque année. Elle a produit 532 térawattheures (TWh) d’électricité en 2021. « En considérant que l’on puisse consacrer au secteur de l’aviation 10 % de la biomasse destinée à faire de l’énergie, il faudrait 20 TWh d’électricité pour produire 2 millions de tonnes de kérosène durable en 2035 et 170 TWh en 2050 pour 6 millions de tonnes de kérosène durable », calcule Daniel Iracane. La majorité du carburant serait alors obtenu par électrolyse de l’eau et capture du CO2.

Si le trafic venait à diminuer de quelques dizaines de pour cent, cela ne changerait pas l’ampleur du défi. « On est peu dépendants des hypothèses de trafic », assure Daniel Iracane. L’Académie se défend de ne pas avoir exploré la voie d’un encadrement beaucoup plus strict du transport aérien à venir, car elle ne semble pas se profiler au niveau européen et mondial.

L’Académie identifie donc deux défis majeurs : un accès facilité à la biomasse et à l’électricité décarbonée, ainsi qu’une importante industrialisation dès 2030. « Grâce à son électricité déjà décarbonée, la France a les moyens d’initier une filière industrielle de kérosène durable dès 2030, là où la majorité des pays européens devront d’abord décarboner leur mix électrique ou dépendre totalement d’importations massives de carburant durable », défend l’académicien qui a fait une grande partie de sa carrière dans l’énergie nucléaire.

Quelles que soient les innovations technologiques, il faudra multiplier les capacités de production électriques. L’électricité sera notamment nécessaire pour faire voler des avions, pour déplacer les navires et pour produire les engrais azotés, avertit l’Académie des technologies. « À terme, un doublement de la production électrique sera nécessaire en 2050 pour décarboner les différents secteurs de l’économie », partage Daniel Iracane. Le secteur aérien mobiliserait de 10 à 15 % de cette nouvelle production électrique issue des énergies renouvelables et de nouveaux réacteurs nucléaires.

À maturité technologique, l’Académie des technologies estime le coût de production du kérosène synthétique à 2,5 € par litre, soit plus du double du coût d’extraction du kérosène fossile actuel. Cela correspond à un coût d’abattement carbone de l’ordre de 300 € la tonne de CO2.

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Posté le par Matthieu Combe


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