Rédigé en pleine crise de l’épidémie de Covid-19, le contenu de cet article a forcément tenu compte de cette catastrophe venue rappeler, avec brutalité, à quel point le manque d’anticipation et l’oubli du passé favorisent l’impréparation et hypothèquent une sortie rapide de crise. Volontiers présentée par les autorités, les experts et les médias comme « inédite », et donc imprévisible, cette crise illustre magistralement la vulnérabilité croissante de nos sociétés induite par une rupture mémorielle généralisée. Ce travail souhaite donc souligner, au crible de l’expérience du passé et dans une perspective propre aux sciences historiques, l’exposition aux risques qui en découle pour nos contemporains et les limites de la parole de l’expert contemporain, qu’il soit scientifique, ingénieur ou décideur politique. De la sorte, il est possible de comprendre à quel moment cette parole devient hégémonique et légitime au regard des diktats budgétaires et politiques court-termistes, au point d’éradiquer le souvenir d’un désastre qu’on avait, jusque-là, veillé à conserver sous des formes diverses et originales. Il convient également d’apprécier ces expressions mémorielles afin de juger de leur pertinence et, éventuellement, de leur intégration au sein de stratégies d’adaptation plus durables pour le futur, ne serait-ce que sous la forme de séries d’événements historiquement démontrés et connus dans les modèles actuels et les plans de prévention.
L’objectif de cet article est donc de procurer des pistes de réflexions inédites, parce que fondées sur l’expérience du passé et la transdisciplinarité à même de réduire les vulnérabilités auxquelles ingénieurs, aménageurs, entrepreneurs, assureurs et responsables politiques sont confrontés ou seront confrontés en matière de risques. L’approche historique des catastrophes est conçue ici comme un outil pour renforcer les modes de gouvernances des sociétés humaines et des entreprises induits par le processus de globalisation (mondialisation) des vingt dernières années en favorisant une coordination de l’action collective plus efficiente, parce qu’inscrite dans la longue durée et respectueuse des diversités.