Les viandes que nous consommons sont généralement transformées avant d’être consommées. La première transformation résulte de l’évolution du muscle après l’abattage. Dès la fin de la saignée, les cellules musculaires vont survivre en utilisant l’énergie libérée par l’hydrolyse de l’ATP, elle-même régénérée au fur et à mesure de son hydrolyse, grâce à la dégradation anaérobie des réserves en glycogène de la cellule. Les produits terminaux de ces réactions sont des protons et du lactate, qui en absence de circulation sanguine s’accumulent dans les cellules. Le pH de la viande diminue et se stabilise, quand les réserves en glycogène sont épuisées, pour atteindre une valeur généralement comprise entre 5,5 et 6, dépendant du muscle considéré, de l’espèce, et du stress de pré-abattage. Ces évolutions biochimiques entraînent des modifications de la structure musculaire, avec pour conséquences : un durcissement de la viande, des exsudations et des évolutions de la couleur dont les variations dépendent de l’amplitude et de la vitesse de chute du pH dans le muscle. Au cours de son stockage en chambre froide, le muscle continue à évoluer. Les protéases endogènes, libérées dans le milieu, se retrouvent en conditions favorables pour dégrader les structures musculaires et attendrir la viande. Toutes ces modifications sont sous la dépendance : du stress de pré-abattage, des cinétiques de refroidissement des carcasses, des conditions de stockage des carcasses (température, durée) et des caractéristiques des muscles, avec des répercussions sur les qualités sensorielles (couleur, flaveur, texture, jutosité) et technologiques (aptitudes à la transformation, pertes de jus à la cuisson, pertes au tranchage des jambons...) des viandes.
Les viandes sont ensuite soumises à différents types de transformations technologiques qui visent à améliorer leurs qualités microbiologiques et leurs qualités sensorielles, en développant des flaveurs agréables, en améliorant la texture, la couleur et la jutosité des produits carnés.
Ces transformations sont de deux types : les transformations froides (marinades, salage, séchage, fumage) et les transformations chaudes qui relèvent généralement d’opérations de cuisson. Certains produits carnés comme le jambon cuit associent une transformation froide (salage) à une transformation chaude (cuisson longue à basse température).
Ainsi, depuis l’animal vivant jusqu’à l’aliment carné qui en est issu, de nombreux facteurs sont susceptibles de faire varier les qualités du produit final.
Une part non négligeable de l’évolution de ces qualités est liée à des variations graduelles de la structure et de la composition du muscle, aux différentes étapes des transformations technologiques. Les outils d’imagerie ont considérablement évolué ces dernières années et permettent aujourd’hui de caractériser non seulement la structure morphologique des tissus, mais également d’accéder à la structure moléculaire et à la composition chimique. Si chaque technique fournit une information d’intérêt, c’est le couplage de différentes méthodes, permettant une caractérisation multi-échelle qui apporte une plus-value sensible à la compréhension des phénomènes générés par les traitements technologiques. Les approches corrélatives permettent en effet de relier les évolutions structurales à différents niveaux d’échelle, aux qualités des viandes.
L’article décrit, dans sa première section, des approches de caractérisation multi-échelle des échantillons biologiques à l’aide de techniques d’imageries morphologiques et chimiques. La seconde section porte sur la composition et la structure du muscle et de la viande. Enfin, la troisième et dernière section relève d’applications de ces méthodes d’imagerie à la caractérisation des viandes et produits carnés à différentes étapes de leurs transformations technologiques. Les résultats scientifiques permettent une meilleure compréhension des mécanismes relatifs aux modifications des viandes après chaque étape unitaire de transformation. Ces résultats sont exploités par les acteurs de la filière viande pour concevoir de nouveaux procédés ou adapter les procédés existants pour obtenir un produit fini de qualité souhaitée, et pour limiter la variabilité de la qualité des produits carnés.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire et un tableau des sigles utilisés.