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Le dilemme énergétique de l’Allemagne

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Le dilemme énergétique de l’Allemagne

Posté le par Aliye Karasu dans Énergie

Alors que le pays s’est engagé à amorcer une sortie progressive du charbon d’ici à 2030, le ministre des Finances a émis des doutes sur la faisabilité de cette transition énergétique.

Dans un entretien datant du 1er novembre 2023, Christian Lindner, le ministre allemand des Finances a jugé qu’il fallait « mettre fin aux rêves d’élimination progressive de l’électricité produite à partir du charbon en 2030 ».

Un objectif irréalisable

La sortie du charbon, prévue initialement pour 2038 puis avancée à 2030, est donc remise en question, révélant les divisions existantes au sein de la coalition au pouvoir entre les sociaux-démocrates, les Verts et les libéraux.

Le maintien de la production du lignite[1] est justifié par la volonté de contrer la flambée des prix sur le marché européen de l’électricité. Ces combustibles fossiles, extraits dans de gigantesques mines à ciel ouvert sont, en effet, les plus avantageux du fait de leurs prix très compétitifs.

En outre, pour faire face à la forte demande à l’approche de la saison hivernale, le gouvernement allemand a annoncé en octobre dernier qu’il allait relancer des centrales à charbon destinées à la fermeture, réitérant ainsi une mesure d’urgence prise à l’hiver 2022 et vivement critiquée à l’époque.

Une crise énergétique sur fond de guerre en Ukraine

Le regain d’exploitation du charbon s’inscrit dans le contexte de la guerre en Ukraine. En effet, l’interruption de l’approvisionnement en gaz russe bon marché, contraignant l’Allemagne à compenser les 55 % de ses importations, fait peser un risque de raréfaction, voire de pénurie du gaz qui sont à l’origine de l’accroissement des prix.

Les répercussions sont immédiates sur la compétitivité de l’industrie chimique qui est une des industries les plus énergivores du fait de son importante consommation de gaz et d’autres produits pétroliers. Dans un pays où l’industrie représente encore 22 % du PIB, le nombre croissant d’industriels tenté par la délocalisation de leur activité aux États-Unis soulève de vives inquiétudes. Le groupe BASF, géant allemand de la chimie, a déjà délocalisé sa production très énergivore d’ammoniac.

Afin d’endiguer cette fuite, la coalition dirigée par Olaf Scholz a dévoilé jeudi dernier un plan d’aide pour alléger la facture d’électricité des industriels en mettant en place de larges baisses d’impôts et des subventions.

Les perspectives de la transition énergétique

L’Allemagne étant le plus grand consommateur d’électricité par habitant en Europe, la question énergétique se situe au cœur de ses enjeux vitaux. Comment éviter, en situation de crise, le recours au charbon ou l’importation au prix fort de gaz naturel liquéfié (GNL)[2], plus polluant que celui transporté par gazoduc ?

Pour relever ce défi, l’Allemagne ne pourra pas compter sur le nucléaire. En effet, la catastrophe de Fukushima, en 2011, a rendu définitive la sortie de cette énergie qui a été actée en avril dernier par la fermeture des trois derniers réacteurs du pays.

Cette sortie fut partiellement compensée par les énergies renouvelables[3] dont la part dans le mix énergétique est passée de 6,6 % en 2000 à 45 % en 2022. Contrairement à une idée reçue, le charbon ne s’est pas substitué au nucléaire puisque sa part dans le mix énergétique est passée de 50,5 % en 2000 à 31,4 % en 2022.

L’objectif de la nouvelle coalition allemande est d’atteindre 80 % d’énergies renouvelables dès 2030 dans la consommation d’électricité. Un projet ambitieux car, malgré une tendance à la baisse, les énergies fossiles continuent de représenter plus des trois quarts de la consommation énergétique. En outre, le développement des énergies renouvelables, ces dernières années, a subi un léger ralentissement et s’est accompagné de l’émergence d’une contestation ciblant notamment les éoliennes terrestres en raison de leur fonctionnement par intermittence et des nuisances visuelles et auditives qu’elles peuvent engendrer.

Ironie de l’histoire, en août dernier, le groupe RWE, premier producteur d’électricité outre-Rhin, a débuté le démontage d’un parc éolien près du village de Lutzerath pour l’agrandissement d’une des plus grandes mines de charbon d’Europe !


[1] Charbon primaire hautement polluant

[2] Substitut au gaz russe en provenance des États-Unis

[3] Solaire et éolienne

Pour aller plus loin

Posté le par Aliye Karasu


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