Logo ETI Quitter la lecture facile

Décryptage

Les promesses du recours aux satellites en agriculture

Posté le par Léna HESPEL dans Innovations sectorielles

Les techniques d’imagerie satellite changent les pratiques agricoles et ouvrent de nouvelles perspectives, notamment dans l’agriculture de précision en ajustant la fertilisation, l’irrigation, ou l’usage des pesticides. Mais les satellites peuvent également être utilisés pour assurer les récoltes ou encore guider les engins. Les usages agricoles des satellites, publics ou privés, sont amenés à se diversifier.

L’usage agricole des satellites a débuté en France en 1986, avec le lancement du premier satellite du programme français SPOT (satellites pour l’observation de la terre), et dont les deux derniers exemplaires ont été lancés en 2012 et 2014, en parallèle des satellites Pléiades. D’autres programmes ont pris la suite, en particulier les satellites Sentinel du programme européen Copernicus. Parmi les 6 couples de satellites du programme, les Sentinel 2 et 3 sont utilisés en agriculture.

Il existe de nombreux autres programmes et projets de satellites à vocation agricole à travers le monde. C’est par exemple le cas du programme Landsat aux États-Unis, dont le 9ème satellite de la constellation devrait être lancé le 16 septembre prochain.

Une diversité d’applications

Satellites météorologiques, satellites de positionnement, et satellites d’observation de la Terre, équipés de capteurs et caméras, offrent un panel d’applications possibles en agriculture :

  • L’achat de prévisions météorologiques : données et prévisions de températures, de pluviométrie…
  • Le guidage d’engins : il est permis par le déploiement des systèmes de navigation par satellites dont la constellation la plus connue et la plus utilisée est le global positionning system (GPS) américain. Pour les agriculteurs, il facilite l’optimisation des passages sur la parcelle pour éviter les manques et les recouvrements, que ce soit pour l’irrigation, l’épandage de produits phytosanitaires ou les semis.
  • Les assurances, comme avec l’indice de production de prairie (IPP) d’Airbus. Lancé en 2016, cet indice de référence national, validé par le ministère de l’Agriculture, est livré chaque année aux assureurs qui y souscrivent. Il s’appuie sur un historique de 20 années d’images satellites, pour estimer les excès ou les carences de production. « Grâce à ces indices, les assureurs indemnisent ensuite leurs clients en cas d’aléas climatiques, notamment les sécheresses », explique Alexandra Nouillas, chef de projet du programme IPP.
  • L’agriculture de précision, que ce soit pour une gestion raisonnée de l’eau, des pesticides ou de la fertilisation. Il est possible d’estimer par télédétection diverses variables biophysiques : par exemple la teneur en eau, ou le niveau de matière organique des sols. Mais si les images fournies par certains satellites, par exemple Sentinel, sont gratuites, les données brutes sont difficiles à interpréter. Ces vingt dernières années, plusieurs entreprises se sont spécialisées dans l’interprétation de ces données pour fournir des conseils aux agriculteurs. Les outils proposés aident à optimiser les pratiques agricoles, en tenant compte de l’hétérogénéité des besoins et des risques.

Développement de l’agriculture de précision

« La France est assez en avance sur l’agriculture de précision », note Emmanuelle Paganelli, responsable du service Farmstar au sein d’Airbus. Développé dans les années 1990 par Arvalis-Institut du végétal et Airbus, Farmstar combine images satellites (Sentinel 2 et Spot) et observations agronomiques pour conseiller les agriculteurs dans leurs apports d’engrais. « Il y a 20 ans, c’était très pionnier. C’était un service expérimental pour une ou deux coopératives et quelques agriculteurs. Le service, vendu aux distributeurs (chambres d’agriculture, coopératives, regroupement d’agriculteurs…), s’est étendu au fur et à mesure des années », poursuit la responsable de Farmstar. Aujourd’hui, 630 000 hectares sont suivis en France.

Grâce aux données renseignées par l’agriculteur et aux images satellite, Farmstar calcule les besoins en fertilisation (azote) en chaque point d’une parcelle. Crédit image : Airbus

Il existe d’autres outils d’aide à la décision (OAD) pour des applications similaires, mais tous n’ont pas recours aux images satellites, même si l’usage se déploie. Nasa Harvest, le programme de sécurité alimentaire et d’agriculture de la Nasa, a par exemple annoncé fin mars 2021 une association avec la start-up israélienne CropX, spécialisée dans l’analyse des sols pour l’agriculture. Ce partenariat avec Nasa Harvest va lui permettre d’avoir, en plus des informations agronomiques récupérées grâce à des capteurs sur place dans les champs, des données satellitaires.

En comparant aux images satellites des années précédentes, un indice de production des prairies est livré chaque année aux assureurs. Crédit image : Airbus

Pilotage de l’irrigation

Un des intérêts aux images satellites important, mais encore sous-exploité, est la gestion de l’eau. Le projet Maiseo, démarré en 2012 et qui s’est achevé en 2017, qui essayait de cultiver du maïs en consommant 20 % moins d’eau pour un rendement équivalent s’appuyait notamment sur l’apport de la télédétection pour estimer les besoins et la consommation en eau en cours de saison. Autre exemple, l’application web Sat-IRR est un outil d’aide au pilotage de l’irrigation à l’échelle de la parcelle. Cette application est accessible dans certains endroits au Maroc, en Tunisie, en Catalogne espagnole et dans le sud-ouest de la France. L’agriculteur dessine ses parcelles, renseigne le type de culture, de sol et le système d’irrigation. L’application collecte en parallèle des données satellitaires et météo sur une année. Et avec toutes ces données, l’application propose une préconisation d’irrigation.

Différents capteurs peuvent être présents sur les satellites et communiquent diverses informations. Un capteur optique permet d’observer le jaunissement de la végétation, alors qu’un capteur thermique décèle l’augmentation de chaleur à la surface des plantes qui précède son jaunissement. La France et l’Inde travaillent d’ailleurs conjointement sur le satellite Trishna, qui embarquera un capteur optique indien et un capteur infrarouge thermique français. Il devrait être mis en orbite en 2025.

Les freins à l’utilisation des données satellitaires

Il reste cependant des freins à l’utilisation généralisée des données satellitaires par les agriculteurs. Le prix tout d’abord, puisque pour exploiter pleinement les informations fournies par les satellites et les services associés, il est parfois nécessaire de posséder des machines récentes et haut de gamme. Avec un retour sur investissement difficile à évaluer.

Un autre point à relever est l’usage détourné de certains services. C’est par exemple le cas de Farmstar. « Une petite partie des agriculteurs qui utilisent le service le font surtout pour montrer qu’ils sont en règle en cas de contrôle », concède Emmanuelle Paganelli. C’est d’ailleurs en partie pour cette raison que l’entreprise a décidé de proposer une déclinaison simplifiée de son offre pour cette cible d’agriculteurs, Farmstar Eco.

Mais aussi, le développement des drones et des capteurs directement embarqués sur les engins agricoles. Ils peuvent, pour certaines applications, être une alternative aux images satellitaires. Or leur utilisation est plus souple, ils sont utilisables à tout moment. Et s’affranchissent de la couverture nuageuse. Cependant les drones ont leurs propres désavantages, comme la nécessité d’obtenir des autorisations pour les survols ou une capacité de couverture limitée par rapport aux satellites.

Pour aller plus loin

Posté le par Léna HESPEL


Réagissez à cet article

Commentaire sans connexion

Pour déposer un commentaire en mode invité (sans créer de compte ou sans vous connecter), c’est ici.

Captcha

Connectez-vous

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.

INSCRIVEZ-VOUS
AUX NEWSLETTERS GRATUITES !