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Interview

« L’essentiel de l’impact numérique a lieu lors de la première étape du cycle de vie »

Posté le par Pierre Thouverez dans Informatique et Numérique

La nécessaire évolution des usages liés aux technologies numériques doit s'accompagner d'une action pédagogique, notamment auprès des plus jeunes.

Cette action pédagogique est aujourd’hui déployée par le biais d’associations, qui œuvrent auprès du grand public, pour sensibiliser sur les impacts de nos activités numériques. Elles mettent en place les bonnes pratiques à adopter pour réduire notre empreinte numérique : réutilisation, recyclage, seconde vie, usage des applications et du web… l’association Point de M.I.R organise des actions, notamment auprès des établissements scolaires, pour sensibiliser les citoyens sur cet aspect du numérique.

Bela Loto Hiffler, fondatrice de Point de M.I.R, a expliqué aux Techniques de l’Ingénieur les actions mises en place par son association, et les enjeux liés aux usages du numérique pour les prochaines générations.

Techniques de l’ingénieur : Présentez-nous l’association Point de M.I.R

Bela Loto Hiffler, fondatrice de l’association Point de M.I.R. ©Point de MIR

Bela Loto Hiffler : Point de M.I.R met la lumière sur les impacts environnements et humains du numérique. Association pionnière en matière de sensibilisation sur le sujet depuis 2014, elle s’adresse au grand public, aux établissements scolaires et aux associations.

 

 

 

Quelles actions mettez-vous en œuvre pour sensibiliser le public sur les impacts environnementaux et humains du numérique ?

Nous organisons des ateliers. Nous privilégions actuellement un public jeune, notamment les élèves du CM1 et CM2, cible privilégiée car se situant avant la bascule du smartphone au collège. Nous avons un atelier phare intitulé : Voyage au cœur de nos smartphones. Point de M.I.R a conçu une mallette « pédagogique anatomique » permettant de révéler ce qui est à l’intérieur de ces « usines à gaz » et quels sont les éléments du tableau périodique des éléments.

Nos smartphones contiennent en effet une cinquantaine d’éléments issus de la table de Mendeleïev qui sont extraits dans de nombreux pays du monde, dans des conditions indécentes et inacceptables.
Nous participons également à de nombreuses tables rondes et donnons des conférences, à l’invitation de diverses institutions. Nous parlons au plus grand nombre et sensibilisons à tous les âges et tous les étages. Nous proposons également toute une série de documentaires qui permettent de voir la face obscure du numérique. Nous avons, en 2019, organisé le premier festival du film « Numérique & environnement » (enquêtes à travers le globe révélant les répercussions environnementales et sanitaires fatales, voyage au cœur des datacenters, découverte des coulisses du plus grand dépotoir d’Europe en Afrique, rencontre avec les perdants de la révolution numérique…

Quels sont aujourd’hui les leviers d’actions pour les usagers du numérique pour limiter leur empreinte personnelle ?

Ce qui est fondamental, c’est de faire comprendre que « le nerf de la paix » est de prolonger la durée de son matériel car l’essentiel des impacts a lieu au moment de la première étape du cycle de vie (extraction-fabrication).

Voici donc 10 actions clés à mettre en œuvre. Cette liste est issue du livre blanc publié par l’Alliance Green IT (AGIT) que l’association Point de M.I.R et moi-même ont eu le plaisir de travailler :

  1. Je prolonge la durée de vie de mes équipements électroniques ;
  2. Je préfère acquérir un équipement d’occasion ou reconditionné ;
  3. J’éteins, je mets en veille, je débranche mes équipements non utilisés (surtout la nuit) : ma box, mon ordi, mon smartphone, mon chargeur, ma TV…
  4. J’ai un usage raisonné de mes équipements et des services numériques (logiciels, sites web) : je limite mon usage de vidéos en streaming, je stocke le moins possible de documents, j’évite les multiples copies dans le cloud, je fais régulièrement le ménage dans mes fichiers, j’évite l’envoi de fichiers volumineux par mail ;
  5. Je n’imprime que si nécessaire, je paramètre mon imprimante (recto verso, mode brouillon noir et blanc), j’utilise du papier recyclé et certifié (FSC, Blue Angel, l’Ecolabel Européen) et des cartouches reconditionnées ;
  6. Je choisis du matériel adapté à mes besoins (taille, performance, fonctionnalités) ;
  7. Je préfère les équipements écolabellisés (EPEAT, TCO, Blue Angel) ;
  8. Je choisis des équipements réparables ;
  9. Je préfère la connexion WiFi à la 4G, ça consomme moins d’énergie et économise ma batterie ;
  10. Je dépose mes déchets électroniques à un point de collecte agréé (déchetteries, magasins, associations, structures de solidarité) pour qu’ils puissent être pris en charge dans les règles de l’art.

Au-delà de l’empreinte numérique, sensibilisez-vous les jeunes sur les dangers des écrans et plus généralement de l’ « abus » des technologies numériques ?

Nous ne le faisons pas en traitant ces questions séparément mais cette dimension est présente dans toutes nos interventions. A titre personnel, je me considère observatrice attentive de l’ébriété numérique et je milite pour une libération. Cela passe par moins de numérique, moins de numérique, toujours moins de numérique. A travers mes interventions, j’invite le public à ralentir et à reconsidérer le monde réel. En d’autres termes, j’invite le public à se « matérialiser » !

Observez-vous des différences dans l’approche des technologies numériques en fonction des générations ?

Oui, très nettement. Une partie des jeunes semblent sensibles à l’écologie et s’engagent mais sont-ils prêts à lâcher un peu leurs prothèses numériques au quotidien ? Rien n’est moins sûr. Par ailleurs, la fracture numérique concerne toutes les générations, toutes les catégories sociales. Le numérique est un outil extraordinaire mais certainement pas le miracle que l’on veut nous faire croire.

Propos recueillis par Pierre Thouverez

 

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