Invisible à l’œil nu, la pollution par les microplastiques est pourtant omniprésente dans notre eau potable. Une nouvelle étude révèle que la quasi-totalité des particules plastiques présentes dans les bouteilles et l’eau du robinet mesurent moins de 20 micromètres et sont donc hors du champ des normes actuelles. Un constat alarmant qui remet en question les méthodes de contrôle de la qualité de l’eau.
Une étude menée par le CNRS et l’université de Toulouse, publiée en janvier 2025, révèle que 98 % des microplastiques contenus dans l’eau potable ne sont pas détectés avec les méthodes actuelles.
Cette étude récente, qui n’a pas fait grand bruit, remet en cause les méthodes actuelles de détection des microplastiques dans l’eau potable, en démontrant que la grande majorité de ces particules sont plus petites que le seuil de 20 micromètres actuellement fixé par la directive européenne 2020/2184.
L’étude analyse onze échantillons d’eau potable – dix provenant de bouteilles en plastique PET de marques différentes, et un du robinet – et révèle que 98 % des microplastiques détectés mesuraient moins de 20 micromètres, et 94 % moins de 10 micromètres.
Ces résultats suggèrent que les méthodologies actuellement envisagées par les régulateurs sous-estiment largement la présence réelle de microplastiques dans notre eau de consommation. Pourtant, ce sont précisément ces particules de petite taille qui posent les plus grands risques pour la santé humaine, en raison de leur capacité à traverser la barrière intestinale et à s’accumuler dans les organes.
L’équipe a utilisé une technique d’analyse avancée, la microspectroscopie Raman automatisée, combinée à un traitement informatique spécifique, pour identifier les particules plastiques jusqu’à 1 micromètre de diamètre. Grâce à cette méthode, les chercheurs ont analysé plus de 660 000 particules, dont près de 2 000 se sont révélées être des microplastiques. Les concentrations détectées varient considérablement selon les marques, allant de 19 à 1 154 particules par litre d’eau (soit 0,001 à 0,25 microgramme par litre). L’eau du robinet de Toulouse présentait, elle, une concentration de 413 particules par litre, supérieure à huit des dix marques de bouteilles testées.
Autre constat important, le plastique utilisé pour fabriquer les bouteilles, le PET, n’est pas le principal contributeur aux microplastiques détectés. Il n’a été retrouvé que dans 7 échantillons sur 10, et dans des proportions très faibles (moins de 5 % dans trois d’entre eux). Les polymères les plus fréquents étaient le polyéthylène, le polypropylène et le polyamide 6. Cela suggère que l’origine de ces particules pourrait provenir d’autres étapes de production, ou de contamination environnementale.
L’étude va plus loin en comparant ces résultats à ceux d’autres pays européens. Elle montre ainsi que les niveaux de microplastiques dans l’eau du robinet à Toulouse sont comparables à ceux observés en République tchèque ou en Norvège (entre 338 et 628 particules par litre), mais dix fois plus élevés que ceux relevés dans les eaux souterraines du Danemark, probablement en raison de différences dans les sources d’approvisionnement et les traitements de l’eau.
Des leçons à tirer pour les futures réglementations
Les auteurs de l’étude insistent sur l’importance d’inclure les particules de 1 à 20 micromètres dans les futures réglementations. Ce sont précisément celles qui, selon l’OMS, ont le plus fort potentiel d’effets toxiques, en raison de leur capacité à atteindre les tissus humains profonds. Ces particules peuvent contenir ou libérer des additifs chimiques perturbateurs endocriniens, agir comme vecteurs de polluants organiques persistants, ou induire des réponses inflammatoires, oxydatives, voire cancérigènes.
Est également évoqué le lien possible entre la présence de microplastiques dans le corps humain et certaines pathologies émergentes, comme l’infarctus ou l’accident vasculaire cérébral, bien que les preuves toxicologiques restent encore limitées. À l’instar des pesticides dans l’eau potable, dont les seuils ont été définis dès 1998 malgré des incertitudes initiales, les chercheurs plaident pour une approche de précaution dans le cas des microplastiques : fixer un seuil bas mais réaliste, en attendant des données toxicologiques complètes.
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