Il y a en France plus de 40 000* cimetières (civils, militaires ou privés) représentant un peu plus de 20 000** ha, soit deux fois la superficie de Paris. Ils sont présents partout sur le territoire et leur taille peut varier de quelques m2 à plusieurs centaines d'hectares même si, dans leur majorité, ils sont plutôt petits.
Nota
* d’après la plate-forme collaborative de collecte de données GPS « GPS passion » – gestionnaire des données « Cimetières civils, militaires et crématoriums en France » : Phoenix wright – données en date du 17/01/2017.
** La BD TOPO (2015) de l’IGN comporte 47 218 polygones « cimetières », sachant que deux polygones voisins peuvent correspondre à un même cimetière. La superficie totale de ces polygones atteint la somme de 20 521,538 ha.
Les cimetières tels que nous les connaissons présentent des conceptions et des paysages très variés. Du cimetière naturel, en passant par le cimetière paysagé jusqu’à ceux entièrement minéralisés, la présence du végétal y est très variable. Ce sont par nature des lieux calmes où les activités humaines sont limitées. Ils sont fleuris par les agents territoriaux comme par les particuliers et comprennent généralement des espaces enherbés et arbres qui accompagnent les espaces dédiés aux sépultures. Cependant, l’ambiance minérale est la plus souvent observée, résultant d’une histoire directement liée aux cultes religieux et notamment catholique. En France, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les cimetières étaient installés à côté des églises depuis l’interdiction d’inhumer à l’intérieur de l’édifice religieux faite aux fidèles au Moyen Âge. Ils vont progressivement être abandonnés pour laisser place à de nouveaux cimetières installés aux portes des villes et villages.
L’apparition des grandes épidémies de peste et de choléra vont fortement contribuer à ce déplacement. À partir du XIXe siècle, les cimetières vont donc se retrouver, pour la plupart, à l’extérieur du centre-ville, déconnecté du noyau historique et de la trame urbaine. Ces changements vont s’accompagner également d’une modification des institutions qui les gèrent. Ainsi, l’Église laisse petit à petit l’entretien à l’administration municipale jusqu’à la loi de séparation des Églises et de l’État en 1905 qui lui en retire définitivement la gestion. Le passage à cette gestion communale va tendre vers une standardisation de la conception des cimetières à cause, notamment, d’une uniformisation des offres funéraires.
Dans les pays occidentaux, l’expression du culte catholique se caractérisant par des tombes de pierre à partir du XXe siècle, la place de la nature dans ces cimetières est découragée peu à peu au profit des alignements de pierres de marbre et de caveaux en béton fabriqués industriellement, séparés par des allées de schistes ou de graviers souvent chimiquement désherbées. La flore spontanée y devient alors une intruse dans ce paysage minéral et est souvent mal perçue par les usagers. Les cimetières deviennent alors des « espaces à contraintes » pour les communes à cause du sentiment affectif et symbolique qu’ils représentent. Il peut en résulter un sentiment d’abandon chez les familles des défunts par la présence d’une végétation non désirée. Cette perception et la faible tolérance envers cette flore obligent les communes à entretenir régulièrement ces espaces pour maintenir un état d’acceptabilité. Avec les terrains de sports, les cimetières sont souvent la dernière frontière de la gestion écologique pour les collectivités.
Les pesticides ont longtemps été la solution la plus pratique pour le désherbage de ces espaces. Cela s’est fait en ignorant largement les impacts sur la santé des applicateurs et des usagers, sur l’environnement, particulièrement la biodiversité, mais aussi sans tenir compte des coûts cachés (externalités) induits par leur utilisation (coûts de l’achat des produits, de l’application et de la dépollution des eaux contaminées). D’ailleurs, les cimetières peuvent représenter, à eux seuls, près d’1/5e de la consommation totale de pesticides des communes (conseil général de la Dordogne, 2011 ).
Avec la montée des inquiétudes vis-à-vis des pesticides, les communes sont de plus en plus enclines à réduire voire à supprimer leur utilisation. En outre, la réglementation actuelle les contraint fortement dans leurs usages, incitant ainsi à un arrêt définitif. Certaines se tournent vers des alternatives manuelles, mécaniques ou thermiques pour la gestion, mais font vite face à d’autres problématiques (consommation d’énergie, faible efficacité des machines, augmentation des coûts et du temps d’entretien) qui ne font que repousser les problèmes au lieu de les résoudre sur le long terme. En réalité, c’est dans la conception même des cimetières que se trouve la clé : faire en sorte qu’ils soient conçus dès le départ en accord avec la nature, en vue d’une gestion écologique future. Pour se passer de ces produits, deux solutions complémentaires s’offrent aux gestionnaires : redéfinir les schémas de conception et d’aménagement des cimetières en amont et mettre en place une gestion écologique et différenciée en aval.
Un compromis doit être trouvé pour faire cohabiter ces enjeux environnementaux et les désirs légitimes des familles, qui évoluent par ailleurs au fil des années, vers une demande de plus en plus forte de nature.
Aujourd’hui, le cimetière naturel se veut plus proche d’un espace vert. Il s’agit d’un lieu qui permet de concilier gestion écologique et deuil des familles.