Plus on réduit le risque et plus ce qu'il en reste paraît insupportable à la population », Alexis de Tocqueville.
Qu’il s’agisse de santé au travail ou de santé environnementale, de nombreuses entreprises ont dû faire face à des crises sanitaires fortement médiatisées qui ont induit des coûts considérables et des atteintes à la réputation pouvant mettre en péril leur pérennité. C’est une préoccupation particulière pour les entreprises qui n’opèrent pas dans le secteur de la santé et qui par conséquent n’ont pas une grande culture des risques sanitaires. Le fait que la plupart des crises soient provoquées par des situations à faible risque, voire à une absence de risque réel, est perturbant pour la rationalité des ingénieurs.
Il est donc important de comprendre la dissociation entre les notions de risque et de crise. Dans cette problématique, la question de l’incertitude est centrale. Le plus souvent, c’est la difficulté à gérer correctement les situations d’incertitude qui fait basculer dans la crise. Le fait que la perception sociale des risques ne soit que partiellement liée à leur fréquence ou à leur gravité est un point capital.
Faire face aux crises demande évidemment des compétences en matière de communication. Mais c’est une erreur de croire qu’une bonne communication suffise à les éviter. Certes, les pièges en la matière sont nombreux, mais la capacité à évaluer rigoureusement les risques est un autre pilier de la conduite des situations de crises ou de précrises.
Toutes les entreprises sont potentiellement concernées par le fait que des risques pour les employés, les riverains ou les consommateurs peuvent provoquer des crises déstabilisantes. Elles doivent donc s’y préparer. Il ne s’agit pas seulement d’une question de compétences spécialisées en sécurité sanitaire. C’est avant tout une question organisationnelle qui doit être portée par le chef d’entreprise. La préparation d’un plan de gestion des crises est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Dans des situations marquées par une forte incertitude scientifique, la réactivité, l’agilité managériale, la capacité d’analyse des enjeux et les outils d’évaluation quantitative des risques sont des déterminants importants.
À partir d’exemples concrets, cet article vise à fournir un cadre d’analyse de ces situations permettant de caractériser les risques susceptibles de dégénérer en crise et de les éviter. Dans une première section, il explicite la distinction entre risque, alerte, urgence et crise. La deuxième section présente les principaux facteurs à l’origine des crises de sécurité sanitaire. La dernière section propose un guide de conduite de ces situations marquées par la double menace de sous-réagir ou de surréagir.