Le questionnement sur le transport des marchandises en ville est apparu dans les années 1990 pour tenter de limiter la congestion urbaine et les nuisances environnementales liées aux flux de marchandises dans les villes. À[nbsp ]cette époque, le ministère en charge des Transports a décidé de lancer le Programme National Marchandises en Ville (PNMV). Ce programme a marqué une rupture institutionnelle dans la prise en compte de cette problématique : le but était de « comprendre pour agir » et de rompre avec la mise en place de solutions locales (souvent inefficaces) pour résoudre les problèmes d’occupation de la voirie, de sécurité et de nuisances environnementales sans en connaitre la cause et sans vision globale de la ville.
Les enquêtes nationales Marchandises en ville ont été lancées afin de collecter des données nécessaires à l’élaboration d’un outil d’aide à la décision pour les collectivités locales… avec 30 ans de décalage sur les enquêtes « mobilité des personnes » qui avaient permis de construire des modèles d’affectation de trafic et élaborer les réseaux de transport en commun. Le programme a financé de nombreuses expérimentations visant à réorganiser la distribution urbaine pour en réduire l’impact en termes d’occupation de la voirie et de nuisances environnementales. Dans les années 2000 ces recherches ont trouvé des relais auprès des programmes européens COST, BESTUFS, CIVITAS qui ont permis d’intégrer des pratiques vertueuses expérimentées dans différents États membres et de créer des synergies entre chercheurs. De très nombreux rapports, articles, communications académiques dans des réseaux mondiaux (WCTR, Citylogistics…) ont permis de diffuser largement la compréhension de la formation et de l’organisation de la gestion des flux de marchandises en ville et surtout les interrelations entre Aménagement-Urbanisme-Logistique urbaine.
Lors du démarrage des investigations sur la problématique des marchandises en ville les préoccupations portaient principalement sur la rareté de l’espace et le prix du foncier entrainant le desserrement logistique, les conflits d’usage de la voirie et les mesures plus ou moins efficaces pour traiter de la mobilité en ville (des marchandises et des personnes). Cependant, la gestion des flux est de plus en plus performante grâce à la révolution numérique et les progrès techniques en termes de mobilités. Elles répondent aux nouvelles attentes des consommateurs et des opérateurs, non sans conséquences sur l’environnement et le volet social.
Vingt ans après, du fait de ces profondes modifications, le programme Marchandises en Ville a pu être relancé avec une nouvelle vague d’enquêtes. Celle-ci a permis d’évaluer la pertinence des choix faits en 1995 en termes de méthode, d’indicateurs, et de mettre en évidence les « invariants » et les variables qui évoluent en fonction des nouvelles organisations.
Cet article décrit :
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l’évolution des enjeux de la ville et d’une société durable. Dans ces enjeux, nous distinguons les questions d’étalement urbain, les nouvelles pratiques d’achat, et les évolutions du secteur des transports ;
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une typologie des flux urbains de marchandises et des pratiques de pilotage, dont l’objectif est de comprendre, suivre et orienter les flux urbains de marchandises ;
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les outils de pilotage des flux : les avancées en termes de méthode de collecte de données et de fabrication des outils d’aide à la décision :
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la comparabilité ainsi que l’évolution de la nature des flux, de l’occupation de la voirie, de la contribution aux nuisances ainsi que l’influence du type de ville et des nouvelles pratiques,
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une enquête innovante qui permet de décrire et mesurer les effets des nouvelles pratiques d’achats des ménages : les achats découplés*,
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un panorama des outils d’aide à la décision, avec un focus sur le modèle FRETURB, illustré par des exemples d’application concrète et son évolution vers le modèle Freturb Silogues, (simuler la logistique urbaine dans son environnement économique et spatial), véritable outil de prospective pour les opérateurs et collectivités locales ;
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les leviers et les freins au développement d’une logistique urbaine durable :
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nouvelle gouvernance, nouvelles compétences, les progrès faits et à faire par les acteurs urbains pour l’intégration des marchandises dans les politiques locales (sensibilisation, formation, …),
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les expérimentations menées et les résultats observés : état des lieux des implantations d’Espaces Logistiques Urbains*, du transfert modal*, de la mutualisation des flux, des nouveaux services (conciergerie, box, drive…) et les préconisations pour une meilleure efficacité socioéconomique de la mobilité des marchandises.
Conclusion : bilan critique de l’intégration des marchandises dans le processus d’aménagement ainsi que des expérimentations françaises et étrangères mises en place pour optimiser, mutualiser, réduire les effets sur l’encombrement de la voirie et la pollution en ville.