La première erreur est de lâcher trop rapidement les nouveau-nés dans le bain du grand groupe. En faisant cela, ils sont absorbés, tellement aimés qu’ils en sont étouffés.
Parmi toutes les tentations du grand groupe envers les nouvelles pousses, les plus courantes sont :
- l’application des règles des business units existantes à des fins d’optimisation ;
- l’utilisation des « superbes » outils du groupe afin de ne pas en réinventer d’autres ;
- l’appui sur les ressources commerciales du grand groupe considérées comme disponibles pour croître ;
- l’utilisation estimée bénéfique de la marque (et son image) du grand groupe.
La Grille d’analyse du niveau d’indépendance de la nouvelle entité vous propose une grille de lecture fonction par fonction et vous permet de décider du niveau d’indépendance à donner à la nouvelle entité.
Application des règles des business units existantes
Le monde de l’exploitation a ses règles et notamment les « non négociables », celles que l’on applique parce qu’il faut bien assurer un minimum de cohérence, d’équité et même d’efficacité. Pour les responsables de ce monde-là, la question de la validité de ces règles ne se pose pas. Et c’est bien normal puisqu’elles ont été définies sur la base d’années d’expérience dans ce domaine.
Pourtant, une nouvelle aventure peut répondre à des règles différentes qui correspondent à des situations non rencontrées auparavant sur le marché. Prenons l’exemple des achats et des règles d’appels d’offres et d’optimisation des fournisseurs. Généralement, suivre ces règles est synonyme de temps à passer sur chaque dossier. Et ce temps se justifie lorsque l’on cherche à optimiser une situation donnée. Toutefois, en phase d’accélération, le temps et les ressources sont comptées. Il faut agir vite et avec efficacité. Dans ce cadre, se mettre d’accord sur des exceptions qui seront accordées à la nouvelle entité semble être pragmatique. Cela ne veut pas dire que plus tard, lorsque la maturité sera au rendez-vous, cette nouvelle entité ne devra pas rentrer dans le rang. Cela veut juste dire que pour l’instant, c’est prématuré et potentiellement préjudiciable.
Définir avec les dirigeants en place, processus par processus, ce qui semble faire sens d’aligner et ce qui semble devoir rester indépendant est une étape clef. Se faire croire que tout va bien se passer n’est pas une solution. Les malentendus entre ceux – côté grand groupe – qui pensent que la nouvelle structure doit maintenant appliquer les règles, et ceux – côté nouvelle entité – qui pensent qu’appliquer les règles est irréaliste, ne feront que grandir. Le risque de voir arriver une injonction à rentrer dans les rangs sera très grand. Il est fort à parier qu’une telle injonction, de par ses conséquences, y compris sur le moral des explorateurs, sonne la fin de l’aventure.
Utilisation des outils du groupe
« On va vous aider ! On a tellement d’expérience et d’outils ! Ne cherchez pas à recréer les vôtres… ». C’est aussi un grand classique que l’on entend beaucoup. Tout part pourtant d’une excellente intention, mais ceux qui en sont les auteurs, en poussant la nouvelle entité à adopter les fabuleux outils que le groupe a développés, vont bien souvent aller à l’inverse de leur intention. Prenez le cas des outils de facturation. Les ERP des entreprises sont complexes, ont coûté beaucoup d’argent, sont surtout peu flexibles même si, sur le papier, ils peuvent faire tout ce que l’on souhaite. Bien souvent, un petit logiciel de gestion suffira pour les premières années et surtout sera très simple à mettre en œuvre. « Il fera le job ». Il sera grand temps plus tard de se poser la question d’un système plus lourd et plus complet.
S’appuyer sur les ressources commerciales du grand groupe
Là aussi, cela part d’une bonne intention. La structure naissante a besoin d’aller vite. Pour cela, une présence commerciale sur le terrain (ou sur les terrains dans le cas de plusieurs marchés) est indispensable. Proposer d’utiliser les moyens du grand groupe paraît avoir beaucoup de sens. Sauf que l’on ne parle pas des mêmes marchés, des mêmes produits, des mêmes codes de conduite… Et même si le commercial sur le terrain est impliqué, il n’en est pas moins vrai qu’il devra passer beaucoup de temps sur ce marché différent en essayant de vendre un nouveau produit pour faire une vente. Cela va sans doute imposer une négociation au niveau de ses objectifs personnels… et ceux de son chef qui surveille sans doute sa performance. Vous allez donc devoir passer du temps sur ce sujet pour aligner toute la structure et pendant ce temps, vous ne vendez pas.
Utilisation de la marque (et son image) du grand groupe
Là aussi, rien ne vous dit qu’aussi connue qu’elle soit, votre marque et l’image qu’elle transporte correspondent à votre nouveau marché. Elle pourrait même être un handicap. Imaginez par exemple que l’image de marque soit celle d’un produit premium B2B (business to business) et que votre nouvelle entité soit plutôt sur un marché de moyenne gamme sur un marché B2C (business to consumers). Il est aussi possible que votre nouvelle aventure ait un impact négatif sur l’image du groupe. Si l’image de votre groupe est celle d’un produit de qualité et que, comme toute nouvelle aventure, vos premiers pas sur le marché ne se passent pas forcément correctement, vous allez devoir non seulement gérer la situation avec vos premiers clients mais vous allez aussi avoir à gérer des critiques de votre employeur…