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Interview

« Le cours des matières plastiques recyclées ne dépend pas de celui du pétrole »

Posté le par Pierre Thouverez dans Entreprises et marchés

Olivier Vilcot, Directeur Général du syndicat des régénérateurs de matières plastiques, a expliqué aux Techniques de l’Ingénieur quels sont les freins qui subsistent encore à une plus grande intégration des MPR (matières plastiques recyclées) dans l’économie du plastique.

Le SRP (Syndicat des Régénérateurs de matières Plastiques) est un syndicat professionnel national qui regroupe les industriels régénérateurs de matières plastiques et représente 80% de la profession. En termes de volume, les adhérents du SRP ont produit, en 2021, 537 000 tonnes de MPR, en recyclant différents types de plastiques tels que des polyéthylènes basse et haute densité, du polypropylène, du polystyrène, du PVC, du PET, et quelques produits divers.

Alors que différentes directives européennes vont obliger les fabricants de produits plastiques à incorporer systématiquement des MPR dans leurs produits, des défis se posent, en termes de volume, de qualité et de prix pour les matières plastiques recyclées.

Olivier Vilcot est revenu pour Techniques de l’Ingénieur sur les challenges en cours et à venir pour tous les adhérents du SRP.

Techniques de l’Ingénieur : En termes de volume, quel est le plastique le plus recyclé par les régénérateurs adhérents du SRP ? Quels secteurs couvrez-vous ?

Le produit sur lequel nous avons le plus de volume est le PET, qui est à l’origine de 124 000 tonnes de RPET (PET recyclé) alimentaire, et de 85 000 tonnes de RPET paillettes claires et foncées. Nos adhérents ont transformé 630 000 tonnes de déchets plastiques en 2021 au total.

Nous couvrons beaucoup de secteurs industriels comme l’emballage, le médical, l’automobile, les DEEE, les sports et loisirs, l’habillement, la construction et l’agriculture.

Quels sont aujourd’hui les freins actuels au développement plus important du recyclage des plastiques ?

Les contraintes que nous rencontrons aujourd’hui sont de trois ordres. La première concerne les volumes : des goulots d’étranglement apparaissent sur la chaîne de valeur.

Olivier Vilcot, Directeur Général du syndicat des régénérateurs de matières plastiques (SRP)

Ces goulots peuvent se déplacer entre le feestock en déchets, les capacités de régénérations et les éxutoires de MPR (Matière Première de Recyclage). Ces goulots peuvent aussi être différents selon les matières plastiques. A une époque, le goulot se situait globalement surtout sur l’aval de la chaîne : il y avait une offre supérieure à la demande. En 2022, ce goulot s’est déplacé vers l’approvisionnement en amont, car beaucoup de réglementations, récentes ou en cours de mise en place, comportent des obligations d’incorporation pour les émetteurs sur le marché. Par exemple, les réglementations européennes prévoient 25% d’incorporation de RPET dans les emballages PET à l’horizon 2025, puis 30% en 2030. Des obligations d’incorporation pour les emballages plastiques vont également voir le jour au niveau continental. C’est ce qui explique le déplacement vers l’amont de cette problématique de volume. En 2023, on constate que le goulot se redéplace vers l’aval y compris pour le Rpet qui était très demandé jusqu’à présent. En effet tant que l’écart entre le RPET et le PET vierge restait à des niveaux raisonnables, les acteurs ont anticipé les obligations règlementaires et certains ont même affiché clairement les taux d’incorporations de MPR sur leurs emballages. Avec la baisse du prix du pétrole qui s’est amorcée à l’été 2022, qui a entrainé la baisse des prix des polymères vierges, l’écart de prix avec le RPET est devenu trop important et certains acteurs sont repassé au vierge sachant que les obligations d’incorporations entreront en vigueur dans 2/3 ans.

Cela soulève l’importance d’une collecte performante ?

Prenons l’exemple de la bouteille en plastique. Elle est captée à hauteur de 60% à l’heure actuelle. Alors que cela fait des dizaines d’années qu’elle est collectée dans la poubelle jaune, nous serions en droit de s’attendre à un taux de captation bien plus élevé. Cela illustre la difficulté de capter ce type de matière plastique, et les progrès nécessaires à faire sur tout sur qui englobe la captation des déchets. L’objectif de collecte à termes, qui est de 90%, va nous obliger à être plus performants sur ce point.

Après les volumes, quel est le second frein au développement des MPR ?

Le second frein est la qualité, mise en avant notamment par certains utilisateurs pour justifier une limitation de leur usage. Pour répondre à cette argumentation, le SRP a  décidé de mettre en œuvre une marque de qualité, la NF MPR 558, qui a été développée en partenariat avec l’AFNOR.

Cette marque de qualité traduit des engagements forts de la part des régénérateurs. D’abord, l’engagement des régénérateurs certifiés de mettre en place des mesures de qualité minimum sur les MPR. Ces mesures sont identiques pour tous les régénérateurs certifiés et normées sur la fluidité, la densité des plastiques, par exemple. Ces informations sont utiles aux clients pour pouvoir comparer la qualité des matières produites. Plus généralement, nous sommes convaincus que la qualité des produits issus du recyclage est un facteur essentiel pour la pérennité et la croissance de notre activité.

Ensuite, cette norme de qualité garantit la traçabilité du déchet, d’un bout à l’autre de la chaîne.

Enfin, nous sommes en mesure depuis 2017 de fournir à nos clients un inventaire de cycle de vie des MPR, qui leur permet de connaître exactement l’économie environnementale  (carbone par exemple) réalisée via l’incorporation de MPR dans ses produits en remplacement de polymère d’origine fossile.

Ces tableaux de données, disponibles sur notre site, sont remis à jour régulièrement et affinés en utilisant les données recueillies auprès de nos adhérents. Un travail de mise à jour et  étude est d’ailleurs en cours en 2023 en collaboration avec l’Ademe.

Volume, qualité… Quel est le troisième challenge pour les MPR ?

Le prix. Les transformateurs ont pris l’habitude d’incorporer des MPR dans leurs produits pour en limiter les coûts. Mais cela entraîne certains effets pervers : souvent les transformateurs n’affichent pas la quantité de MPR présentent dans leurs articles, ce qui est déjà problématique. Aussi, quand les cours du pétrole baissent, plus personne n’achète de MPR faute de rentabilité suffisante par rapport au vierge. Un régulation est nécessaire pour éviter ces coups d’accordéon qui empêche toute visibilité sur l’évolution des marchés et constitue un frein à l’investissement dans de nouvelles capacités. Les obligations d’incorporation sont à ce niveau salutaires. Depuis ces obligations, on observe, sur les marchés, un prix du PET et un prix du RPET non corrélés. De plus, le prix du RPET n’est pas lié à celui du pétrole, mais à celui du déchet.

Second effet de l’incorporation obligatoire des MPR, pour le première fois les marques n’ont plus honte d’afficher la quantité de MPR dans leurs produits. C’est même devenu un argument marketing. Pas encore dans tous les secteurs c’est vrai… Dans l’automobile par exemple, les constructeurs ne font pas encore de l’utilisation de MPR un argument commercial. Pourtant, les performances du neuf et des MPR sont équivalentes, il s’agit essentiellement d’une question de perception du consommateur.

Propos recueillis par Pierre Thouverez

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