L'analyse ionique par spectrométrie de masse d'ions secondaires (SIMS) est l'une des méthodes d'analyse des matériaux fondées sur le bombardement par des ions. Elle peut être qualifiée de méthode de microanalyse au sens où le volume analysé instantanément possède une de ses dimensions bien inférieure au micromètre (les autres dimensions étant souvent de quelques micromètres). Elle se base sur une irradiation de la cible à analyser par des ions lourds, ou par des amas polyatomiques chargés (clusters), éventuellement par des particules neutres. L'énergie du faisceau incident (faisceau primaire) est de quelques centaines d'électronvolts à 50 keV. L'interaction du faisceau incident avec le matériau se traduit par la pulvérisation de la cible sous forme de particules, chargées ou non (ions ou particules secondaires). Ce sont ces particules ionisées au cours du processus de pulvérisation (ou parfois par post-ionisation des particules neutres pulvérisées) qui sont filtrées en masse (éventuellement en énergie) pour accéder à la composition de l'échantillon-cible.
Les performances générales propres à l'analyse ionique par spectrométrie de masse d'ions secondaires des matériaux solides peuvent se résumer comme suit :
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une très grande sensibilité (de très faibles limites de détection, dans le domaine des ppb dans les cas favorables) pour la quasi-totalité des éléments de la classification périodique (analyse de traces) ;
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l'accès à l'analyse isotopique élémentaire (emploi de traceurs isotopiques, mesure des rapports isotopiques d'un même élément) ;
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la détermination de profils de concentration à partir de la surface sur des distances qui peuvent être très variables suivant les applications, de quelques dizaines de nm à quelques dizaines de µm (analyse de couches minces ou de profils de diffusion) avec une excellente résolution en profondeur ;
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la possibilité, en régime statique, d'accéder à la composition, éventuellement moléculaire, des premières couches atomiques ou moléculaires ;
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la localisation spatiale et l'imagerie 2D et 3D avec une bonne résolution, latérale (souvent mieux que 0,1 µm) et en profondeur, des éléments, ou, dans certains cas, des espèces chimiques ;
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l'utilisation des effets chimiques dits « de matrice » pour identifier, éventuellement quantifier, des composés chimiques ;
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la possibilité, dans certaines conditions, d'identifier des composés chimiques ou des fractions moléculaires de ces composés contenus dans le matériau analysé.
La complexité des spectres de masse obtenus et les difficultés de quantification font que cette méthode est par contre mal adaptée à l'analyse quantitative des éléments en forte concentration dans les matériaux massifs, pour laquelle on a plus volontiers recours à des méthodes moins coûteuses et plus rapides comme la microsonde électronique, la microscopie à balayage analytique, l'analyse chimique, etc.
La connaissance de quelques principes des phénomènes d'émission ionique secondaire est nécessaire pour une bonne interprétation des analyses. La description simplifiée des appareillages permettra ensuite d'expliciter les processus d'obtention des données, pour dégager les paramètres expérimentaux les plus importants en analyse des matériaux.
Depuis une quinzaine d'années les appareillages d'analyse ionique secondaire ont bénéficié de progrès importants, en particulier dans trois domaines :
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le premier est la possibilité d'utilisation de faisceaux de particules primaires (incidentes) d'énergie faible, de l'ordre de 1 keV ou même inférieure, paramètre important pour l'interprétation des résultats d'analyse ;
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le second est la diversification des modes de spectrométrie des ions secondaires. La spectrométrie par temps de vol (ToF-SIMS) s'est considérablement développée, ce qui rend les appareils ToF-SIMS aussi répandus que les appareils « conventionnels » à spectromètre magnétique, avec des procédures d'emploi différentes de ces derniers ;
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le troisième est l'arrivée sur le marché de sources d'ions primaires nouvelles, les sources d'amas ionisés polyatomiques (clusters), pour lesquelles les mécanismes de pulvérisation ionique secondaire sont fondamentalement différents de ceux connus depuis longtemps sous irradiation d'ions mono- ou biatomiques. Ce type de source est actuellement principalement utilisé sur les appareillages ToF-SIMS en détection d'ions secondaires moléculaires.
En conséquence, cet article tient compte, dès l'exposé des principes de bases, de l'existence de ces différences : spectromètre magnétique ou spectromètre à temps de vol, ions primaires mono- ou polyatomiques, et cela avant que les appareillages correspondant ne soient décrits.