Doté d'un budget de 150 milliards d'euros, le programme européen SAFE doit permettre aux États membres de les aider à cofinancer leurs achats d'armes, mais les conditions exactes pour en profiter restent floues. L'accès de pays tiers à ce programme est encore à clarifier, tout comme la question de la préférence européenne.
Dans un contexte de guerre en Ukraine et face au revirement géopolitique de l’administration Trump, l’Union européenne a lancé un ambitieux plan d’investissement baptisé « ReArm EU » pour booster son industrie de défense et assurer la sécurité du continent à long terme. Le programme SAFE (Security Action for Europe) s’inscrit dans ce projet et prévoit d’aider les États membres à se réarmer en cofinançant 50 % de leur acquisition, sur la base de leurs plans nationaux. Ils auront jusqu’à la fin de l’année 2030 pour faire leur demande de prêts, cependant les contours exacts de ce programme, doté d’un budget de 150 milliards d’euros, restent encore flous.
L’une de ses grandes nouveautés est la possibilité d’associer certains pays tiers, comme la Norvège, l’Islande ou le Royaume-Uni, aux mécanismes d’achats communs. D’autres pays comme la Turquie et la Corée du Sud seraient également intéressés, cependant des conditions seront exigées à tous ces candidats potentiels, qui devront au préalable signer un pacte de défense, ainsi qu’un accord commercial avec l’UE.
D’autres critères pour accéder aux prêts sont en cours de négociation, à commencer par l’origine des achats d’armes. Selon Euractiv, les pays n’ont pas encore réussi à « s’entendre sur les conditions précises permettant aux entreprises de défense extérieures au bloc de décrocher des contrats dans le cadre du programme de prêt ». À l’origine, la Commission européenne proposait qu’au moins 65 % de la valeur des produits militaires achetés dans le cadre du programme devait être produite dans l’UE, en Norvège ou en Ukraine. « Mais des questions subsistent sur la manière de comptabiliser les dépenses auprès des sous-traitants, ainsi que sur les conditions d’octroi de l’accès aux industries de défense des pays non membres de l’UE qui concluent des accords commerciaux bilatéraux avec l’UE », souligne le site d’information.
Un point de discussion concerne les sous-traitants impliqués dans les contrats de défense, et de savoir si cette sous-traitance par les entreprises de défense européennes à des entreprises extérieures à l’UE doit être considérée comme étrangère ou européenne. Selon Euractiv, « les entreprises sont considérées comme des sous-traitants si elles contribuent à hauteur de 15 % ou moins à la valeur du produit et, selon le texte actuel, ne seraient généralement pas comptabilisées séparément comme des dépenses de pays tiers. »
Encadrer strictement les conditions d’accès des pays tiers au programme
De son côté, l’Association européenne des industries de sécurité et de défense (ASD) soutient le programme SAFE, mais insiste sur le fait que son mécanisme de financement doit bénéficier en priorité aux entreprises établies dans l’UE. Selon un document consulté par Euractiv, des entreprises majeures telles qu’Airbus, Saab et MBDA, représentées par l’ASD, plaident pour que les fonds européens restent sur le continent. L’association souligne également que les fabricants européens augmentent déjà leurs capacités de production et devraient être priorisés, surtout dans un contexte où les stocks étrangers s’épuisent.
Et concernant la participation de pays tiers, elle ne s’oppose pas totalement à leur intégration, mais demande que celle-ci soit strictement encadrée. Le Royaume-Uni pourrait, selon l’ASD, faire figure d’exception, en raison de ses liens industriels étroits avec des groupes européens comme MBDA ou Leonardo, et de ses négociations en cours pour un pacte de défense avec l’UE.
Quoi qu’il en soit, les prêts accordés pour cofinancer des achats conjoints d’armement devront être remboursés par les États membres et les pays tiers associés, comme d’autres programmes de prêts financés par des emprunts de l’UE. Et au-delà de tous ces critères techniques qui restent à préciser, le programme SAFE démontre une véritable ambition politique, celle de structurer le marché européen de la défense, de réduire ses dépendances extérieures, et de faire émerger une véritable souveraineté technologique et industrielle.
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