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Agroalimentaire : les ondes radio éradiquent les nuisibles

Posté le par Sophie Hoguin dans Informatique et Numérique

Depuis plus de 20 ans, on teste l'utilisation des radiofréquences dans des applications agroalimentaires. Les concrétisations restent cependant rares. La Chine vient d'annoncer la mise en place d'un dispositif pour tuer les insectes nuisibles des noix à l'échelle industrielle.

Fin juin, le « Quotidien des sciences et technologies », journal scientifique chinois, relatait que l’Académie des sciences agricoles du Xinjiang a mis au point un dispositif qui tue les insectes nuisibles à l’aide de radiofréquences, permettant de prolonger la période de stockage des noix et des fruits secs de plus d’un an. Le traitement permet de tuer à la fois les insectes et les œufs sans recours à aucun traitement chimique complémentaire. Le dispositif peut traiter 300 kg de noix en une heure et n’affecte pas la qualité des fruits. La région autonome Ouïgoure du Xinjiang, dans l’extrême nord-ouest de la Chine, où le traitement est mis en place, est particulièrement intéressée : depuis le début des années 2000, la province s’est lancée dans un vaste programme de développement de l’industrie des noix atteignant aujourd’hui plus de 300 000 ha de plantations. Trouver une alternative aux pesticides employés pour se protéger des mites et autres insectes nuisibles qui s’attaquent aux noix une fois récoltées est un élément clé d’un développement plus durable tant pour les travailleurs, les habitants, pour l’environnement que pour s’ouvrir des marchés internationaux sur lesquels de plus en plus de substances chimiques sont interdites. En effet, il a longtemps été courant de traiter les insectes et larves nuisibles aux denrées alimentaires par fumigation. C’était simple, pas cher et efficace. Mais à présent, de nombreux pays ont banni les substances utilisées. Il faut donc trouver des solutions alternatives et les radiofréquences (RF) peuvent être un choix pertinent.  chaleur au sein de l’aliment et en cherchant le meilleur compromis entre préservation des qualités

Chauffer reste la clé

La majorité des techniques de préservation utilisées par l’industrie agroalimentaire pour garantir des aliments sans danger avec des durées de vie étendues s’appuient sur des process thermiques qui inactivent les bactéries, les insectes ou les enzymes. On fait généralement subir aux aliments des hautes températures via des bains de vapeur, d’eau ou d’air selon les propriétés de diffusion de la chaleur au sein de l’aliment et en cherchant le meilleur compromis entre préservation des qualités nutritionnelles et gustatives et assurance que le procédé a atteint son but. Des alternatives aux procédés parfois destructeurs sont sans cesse recherchés et l’utilisation des radiofréquences dans ce but a fait l’objet de nombreux travaux depuis plus de 20 ans (voir cet article de l’Annual Review of Food Science and Technology – 2018). Le chauffage par radiofréquences, qui utilise des ondes électromagnétiques comprises entre 1 et 100 MHz permet de chauffer de manière rapide et en profondeur les aliments. Adoptées pour le bois, les textiles, ou l’industrie papetière et pour de rares applications agroalimentaires (biscuits notamment), les radiofréquences n’ont pas réussi jusqu’à maintenant à s’imposer plus avant pour l’alimentation, même si elles présentent des atouts. En effet, dès 1996 on s’aperçoit que les insectes, œufs et larves ont des propriétés diélectriques telles que l’on peut jouer sur l’intensité des champs électromagnétiques pour atteindre les uns sans altérer les autres. Cependant, les RF sont restées peu utilisées. Principalement pour des raisons économiques et logistiques : trop coûteux lorsque les volumes sont très importants comme pour les grains et peu compétitifs pour des produits que l’on peut étaler et traiter facilement à l’air chaud. Les radiofréquences deviennent intéressantes pour des espaces limités (pour le séchage des biscuits, cela permet par exemple de réduire la taille de la ligne de fabrication de 30 à 40%) ou pour des produits à haute valeur ajoutée qui réclament des standards de qualité organoleptiques très hauts. Les recherches sur l’association air chaud/ RF, qui en théorie est une solution idéale, se sont pour l’instant heurtées au fait que les deux méthodes nécessitent des conditions ou des équipements difficilement compatibles.

Pertinence pour la désinfestation

Parmi les chercheurs qui se sont accrochés à l’idée que les radiofréquences pourraient être utiles dans le secteur agroalimentaire, on peut citer Shaojin Wang, professeur des deux côtés du Pacifique, en Chine (Northwest A &F University – Yangling) et aux Etats-Unis (Washington State University – Pullman). Depuis plus de 15 ans, il s’est spécialisé sur ce sujet et est à la source de nombreuses avancées, tant au niveau des connaissances que de leurs mises en pratique. Dès le début des années 2000 il défriche l’utilité des radiofréquences pour la désinfestation des noix et fruits secs. Certains chercheurs, principalement aux Etats-Unis et en Chine, s’attellent à un long travail pour établir les plages adéquates selon les denrées et les nuisibles en fonction de la température de traitement et les différents stades d’évolution des nuisibles, puis à opérer les premiers essais sur des équipements à l’échelle industrielle et sur l’uniformisation du procédé (grâce à des outils de simulation numérique). Il est ressorti que les RF sont particulièrement adéquates pour les fruits secs, les noix et les grains en raison de l’insensibilité de ces denrées à la chaleur, comparé aux fruits frais et aux légumes.

Les travaux ont montré que l’on pouvait atteindre une efficacité de 100 % sans altérer les produits, prouvant son potentiel pour des applications industrielles, y compris à un coût totalement abordable pour des noix par exemple. Pour autant, les systèmes ou machines utilisant les RF sont peu commercialisés et dans la plupart des cas, quand elles sont employées, elles sont mises en place au sein de compagnies privées qui ne communiquent pas sur leurs installations. L’annonce chinoise de cet été est marquante aussi à ce titre.

Sophie Hoguin

Pour aller plus loin

Posté le par Sophie Hoguin

Les derniers commentaires

  • Un élément clé du développement plus durable ?
    La Chine a déjà éradiqué ses moineaux sur ordre du Mao, et a été contrainte d’importer des moineaux européens après s’être aperçus qu’ils étaient indispensables. Plus d’insectes, plus d’oiseaux. En matière de développement durable, c’est la mesure qui compte : mesurer tous les aspects, produire et consommer de façon mesurée.
    Les ondes sont utilisées en France pour les vignes, mais par pour tuer, pour éloigner.


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