Le brevet d’invention est un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle qui confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation (article L. 612-21 du Code de la propriété intellectuelle).
Ce droit exclusif ne permet pas d’interdire « l’accès intellectuel » à l’invention puisque la divulgation est la contrepartie du monopole accordé à son « accès économique », c’est-à-dire son exploitation à des fins économiques.
Ce monopole est toutefois délimité matériellement, temporellement et géographiquement.
L’étendue matérielle de la protection accordée par le brevet
Quel que soit l’objet de l’invention protégée ou le titre du brevet, l’étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par les revendications (article L. 613-2 du CPI, article 69 de la Convention sur le brevet européen – CBE) : le soin apporté à leur rédaction est donc essentiel.
Cependant, le Code de la propriété intellectuelle précise que la description et les dessins servent à interpréter les revendications (article L. 613-2 du Code de la propriété intellectuelle), ce qui emporte deux conséquences sur la détermination de la protection accordée.
Tout d’abord, cela signifie que ni la description, ni les dessins ne définissent l’étendue de cette protection : il n’est pas possible de revendiquer une protection sur un élément qui serait contenu dans la description mais qui ne figurerait pas dans une revendication.
Ensuite, cela signifie que l’étendue de la protection effectivement conférée par le brevet est déterminée par l’articulation entre la description et les revendications du brevet : une revendication qui ne s’appuierait pas sur un élément de la description ne pourrait engendrer d’effet d’appropriation et encourerait la nullité (article L. 613-25 du Code de la propriété intellectuelle).
(cf. Comment passer de l’idée inventive à la demande de brevet ? et De la demande au brevet délivré).
L’étendue de la protection varie également en fonction du type de revendication.
- Une revendication de produit confère une protection large puisqu’elle protège non seulement le produit lui-même, mais également les procédés d’obtention et les applications de ce produit (exemple : une invention portant sur un composé chimique protège le composé lui-même, les procédés d’obtention de ce composé ainsi que les applications qui pourraient en être faites).
- Une revendication de procédé fait l’objet d’une protection moindre car celle-ci porte sur le procédé lui-même ainsi que sur produits obtenus directement par ce procédé (article L. 613-2 du Code de la propriété intellectuelle, article 64 de la CBE).
Exemple : une invention portant sur le procédé d’obtention d’un composé chimique protège le procédé lui-même ainsi que le composé chimique directement obtenu par ce procédé. Elle ne protégera pas ce composé s’il est obtenu par un autre procédé.
Cas particulier des inventions portant sur le vivant. Les lois bioéthiques n° 94-653, n° 94-654du 29 juillet 1994 et n° 2004-800du 6 août 2004 sont venues définir les limites de l’intervention de la recherche et de la médecine sur le corps humain visant notamment à assurer le respect de la dignité de la personne et interdire la patrimonialisation du corps humain.
La loi de 2004 a entraîné l’intégration, au sein du Code de la propriété intellectuelle, de dispositions spécifiques à la détermination de la protection accordée sur les inventions relevant de la matière biologique et de l’information génétique :
Ainsi, la portée d’une revendication couvrant une séquence génétique est limitée à la partie de cette séquence directement liée à la fonction spécifique et concrètement exposée dans la description. Par conséquent, la protection par le brevet ne pourra être invoquée à l’encontre d’une revendication ultérieure portant sur la même séquence, si cette revendication satisfait elle-même aux conditions d’ordre public et de bonnes mœurs et qu’elle expose une autre application particulière de cette séquence (article L. 613-2-1 du Code de la propriété intellectuelle).
Sous cette réserve, la protection du brevet de produit contenant ou consistant en une information génétique s’étend à toute matière dans laquelle le produit est incorporé et dans laquelle l’information génétique est contenue et exerce la fonction indiquée. Toutefois, cette protection ne s’applique pas en cas de présence fortuite ou accidentelle d’une information génétique brevetée dans des semences, des matériels de multiplication des végétaux, des plants et plantes ou parties de plantes (article L. 613-2-2 du Code de la propriété intellectuelle).
Illustration au travers de l’affaire Monsanto
La société Monsanto était titulaire d’un brevet européen portant sur une séquence d’ADN qui, introduite dans l’ADN d’une plante de soja, la rend résistante à un puissant désherbant fréquemment utilisé dans l’agriculture.
Elle entendait, sur la base de ce brevet, interdire la commercialisation en Europe de farine de soja en provenance d’Argentine contenant son invention biotechnologique.
Par arrêt du 6 juillet 2010, la Cour de justice de l’Union européenne rejette cette possibilité à la société Monsanto aux motifs que :
- la protection conférée par le brevet est subordonnée à la condition que « l’invention génétique contenue dans le produit breveté ou constituant ce produit exerce effectivement sa fonction dans cette matière même » ;
- la séquence d’ADN en cause étant incorporée dans une matière morte (la farine), elle n’est pas susceptible d’exercer la fonction décrite dans le brevet.
(CJUE, Gdech., 6-7-2010, aff. C-428/08)
Lorsque l’invention a pour objet une matière biologique dotée de propriétés déterminées, la protection :
- s’étend à toute matière biologique par reproduction ou multiplication et dotée de ces mêmes propriétés ;
- ne s’étend pas aux matières biologiques dotées de ces propriétés mais obtenues indépendamment de la matière biologique brevetée et par procédé essentiellement biologique, y compris lorsqu’elles sont obtenues par reproduction ou multiplication (article L. 613-2-3 du Code de la propriété intellectuelle).
Enfin, l’article L. 613-2-4 du Code de la propriété intellectuelle exclut du monopole de protection des brevets, la fabrication d’une matière biologique lorsque celle-ci « résulte nécessairement de l’utilisation pour laquelle la matière biologique a été mise sur le marché », c’est-à-dire, lorsqu’elle résulte de son usage normal.
L’étendue temporelle de la protection : point de départ et durée
Si la protection naît de la délivrance du brevet, celle-ci prend effet, de manière rétroactive à compter du dépôt de la demande de brevet (article L. 613-1 du Code de la propriété intellectuelle), ce qui permet au titulaire d’exploiter l’invention avant même la délivrance du brevet.
Cette solution trouve sa justification dans la longueur de la procédure de délivrance d’un brevet (3 ans en moyenne pour un brevet français, de 3 à 5 ans pour un brevet européen), incompatible avec les impératifs de la vie économique et la nécessité de permettre au titulaire de pouvoir exploiter son invention rapidement.
Cependant, cette rétroactivité ne doit pas entraîner une situation d’insécurité juridique pour les tiers et ce, d’autant plus que, tout au long de la procédure, la demande de brevet est susceptible d’être modifiée, voire rejetée. C’est pourquoi :
- les faits antérieurs à la publication de la demande de brevet ne constituent pas un acte de contrefaçon, sauf si le demandeur a préalablement adressé une copie certifiée de sa demande de brevet à l’auteur des agissements ;
- en cas d’action en contrefaçon engagée avant la délivrance du brevet, le tribunal suspendra la procédure jusqu’à sa délivrance effective (article L. 615-4 du Code de la propriété intellectuelle).
Le brevet est délivré pour une durée de vingt ans à compter de la date de dépôt de la demande (article L. 611-2 du Code de la propriété intellectuelle), sous réserve du règlement des annuités correspondantes.
En effet, le maintien en vigueur de la protection est conditionné au paiement, par le titulaire du brevet, des redevances annuelles ou annuités et ce, même au stade de la demande (article L. 612-9 du Code de la propriété intellectuelle).
Règlement des annuités
La redevance de dépôt couvre la première annuité (article R. 613-46 du Code de la propriété intellectuelle). Les annuités doivent ensuite être acquittées chaque année au plus tard le dernier jour du mois de la date anniversaire du dépôt de la demande (articles L. 612-9 et R. 613-46 du Code de la propriété intellectuelle).
Un délai de grâce de six mois permettant de régulariser le paiement d’une annuité moyennant le règlement d’un supplément (article L. 612-19 du Code de la propriété intellectuelle).
Il n’est pas possible de procéder à un règlement global de toutes les annuités : le paiement de chaque annuité ne peut être effectué plus d’une année avant l’échéance correspondante (article R. 613-46 du Code de la propriété intellectuelle).
Cas particulier des inventions dont l’exploitation nécessite une AMM : les médicaments et procédés d’obtention d’un médicament nécessitent pour pouvoir être exploités, une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée soit par l’ANSM, soit par la Commission européenne après avis de l’EMA, à l’issue d’un long processus de tests et d’essais. Il n’est alors pas rare qu’un tel produit ne puisse être exploité que plusieurs années après la délivrance du brevet correspondant.
C’est pourquoi les inventions dont l’exploitation est soumise à une AMM peuvent faire l’objet d’une prolongation de protection au travers d’un certificat complémentaire de protection (CCP) (article L. 611-3 du Code de la propriété intellectuelle). Rattaché à un brevet, le certificat complémentaire de protection prend effet au terme légal de ce brevet, pour une durée ne pouvant excéder :
- sept ans à compter de l’expiration de la protection par brevet ;
- dix-sept ans à compter de la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché (article L. 611-2 du Code de la propriété intellectuelle).
Attention
Contrairement au brevet, la redevance de dépôt du certificat complémentaire de protection ne couvre pas la première annuité. Il peut être effectué un paiement global de toutes les annuités dans l’année précédant la prise d’effet du certificat (article R. 617-1 du Code de la propriété intellectuelle).
Les certificats d’utilité, également appelés « petits brevets » sont délivrés pour une durée de six ans à compter du jour du dépôt de la demande (article L. 611-2 du Code de la propriété intellectuelle).
L’étendue territoriale de la protection
Le droit des brevets est régi par le principe de territorialité. Cela signifie que la protection conférée par le brevet est limitée au territoire pour lequel il a été délivré : la protection d’un brevet français est limitée au territoire français. En dehors de ce territoire, le titulaire d’un brevet français ne peut revendiquer de monopole d’exploitation.
Concernant les brevets européens, la Convention sur le brevet européen permet de demander et d’obtenir, par le biais d’un dépôt unique, une protection dans une quarantaine de pays européens au choix du demandeur. Le brevet délivré par l’Office européen des brevets (OEB) produit, dans tous les États désignés où il est valable, le même effet juridique qu’un brevet national (article 64 (1) de la CBE).
Par exemple, un brevet européen délivré désignant la France, l’Allemagne et l’Italie produira, sur chaque territoire concerné, les mêmes effets qu’un brevet national français, allemand et italien (cf. Déposer un brevet européen : les grandes étapes de la procédure).